Assad aux abois

Photo AFP

Le déséquilibre des forces entre l’armée syrienne et les insurgés exigeait une solution diplomatique que la Russie a bloquée avec obstination. Elle n’a peut-être pas joué sa meilleure carte : les forces rebelles se battent maintenant dans des quartiers de Damas et menacent directement le pouvoir.

CE QUI SOUTIENT les opposants dans leur défi purement militaire, c’est bien sûr la sauvagerie avec laquelle le peuple syrien a été traité par le régime ; c’est le statu quo imposé par les Russes et les Chinois ; le peu d’appétit des Occidentaux pour un engagement dans une région particulièrement dangereuse ; les livraisons d’armes aux insurgés par un certain nombre de pays, sans doute le Qatar et l’Arabie saoudite ; les désertions (au nombre avancé, mais invérifiable, de 60 000, dont quelques généraux) ; et sûrement le moral en baisse des troupes restées loyales.

Le désespoir absolu des insurgés a conduit à la seule option viable, sinon la moins coûteuse. Ils ont relevé le défi de la répression en multipliant les attaques contre le pouvoir au point de menacer le bastion où se terre Bachar El Assad. La révolution semble désormais capable de se débarrasser du tyran que ni ceux qui le soutiennent à l’étranger ni ceux qui le combattent n’on t pu contraindre à l’exil. Plus personne ne craint de parler de guerre civile en Syrie. Et le despote, enfermé dans sa logique du tout ou rien, joue maintenant plus que ses fonctions : sa vie.

Faut-il s’en féliciter ? Non, et pour plusieurs raisons : il faudra plusieurs semaines ou plusieurs mois pour que Bachar se rende, s’enfuie ou meure au combat. Or chaque jour apporte son cortège de sang, de crimes et de tortures. La révolution syrienne aurait fait à ce jour plus de 17 000 morts, la plupart chez les civils, femmes et enfants compris. Tout le monde sait qu’il y a en aura d’autres. Beaucoup d’autres. Enfin, si l’on est maintenant en droit d’imaginer que l’insurrection peut chasser Bachar du pouvoir, on ignore complètement comme la Syrie post-dictatoriale s’organisera. Les rebelles appartiennent à des camps divers : on y trouve des jeunes, des intellectuels, des militaires. On peut craindre que les bataillons de la révolution soient noyautés par des éléments étrangers. On n’est donc pas du tout certain que toutes ces forces disparates vont se rassembler dans un ensemble cohérent capable de donner une orientation politique à la Syrie. D’autres exemples du printemps arabe ont prouvé que le chemin vers la démocratie et les libertés est long et tortueux.

Mais personne n’a vraiment le choix : ni les Syriens qui n’ont plus eu que la force pour venir à bout de la force ; ni les Occidentaux qui n’ont rien su faire pour les révoltés ; encore moins les Russes et les Chinois qui ont cru que le simple cynisme protègerait jusqu’au bout leurs intérêts ; pas les Iraniens en tout cas qui vont perdre un précieux allié dans une région où ils étaient les seuls à faire contrepoids à Israël. Après la Tunisie, l’Égypte et la Libye, la Syrie devra soigner ses douleurs post-révolutionnaires et il est préférable de ne pas préjuger des effets politiques de la bataille au finish qui oppose un pouvoir en fin de course à des insurgés contraints et forcés de se battre. Quoi qu’il arrive, la Syrie de Bachar est morte. La Syrie naissante ne risque pas d’être plus injuste que la précédente.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Assad aux abois

  1. DOREMIEUX dit :

    Bachar était, ne l’oublions pas, un excellent ophtalmologiste. A ce titre, je l’ai bien connu remplaçant six mois de mon épouse; je ne le crois pas sanguinaire. Accueillons-le.

  2. DOREMIEUX dit :

    Je cite, sur la Syrie, un journal neutre : « Depuis deux jours, l’armée syrienne bombarde plusieurs faubourgs populaires de Damas. Jamais depuis le début de la révolution en mars 2011, les affrontements n’avaient été aussi intenses dans la capitale. Les bombardements de l’armée syrienne ont repris ce lundi sur le quartier populaire al-Tadamone à Damas, au lendemain d’affrontements d’une violence sans précédent dans plusieurs quartiers du sud et de l’ouest de la capitale, qui auraient fait 105 morts » (France 24 lundi 16 juillet 2012.)
    C’est là une belle invention des temps présents : la guerre médiatique qui envahit votre esprit, une guerre certes à part entière avec ses cadavres et son cortèges d’atrocités, qui se déroule sous nos yeux avec ses tirs nourris au coin des rues, ses quartiers populaires d’où partent les éclairs des explosions et que monte vers le ciel dans la lueur des incendies.
    Mais demandez-vous comment aujourd’hui distinguer le vrai du faux dès lors que votre perception des événements est totalement tributaire des images et des commentaires que nous délivrent des media dont la fonction première est de façonner et relayer une toute-puissante tyrannie consensuelle ?
    Souvenons-nous, un an avant la guerre du Kossovo, du film de l’Américain Barry Lewinson : Des hommes d’influence : Wag the Dog ,1997 qui montrait le déroulement d’un conflit imaginaire dans les Balkans. La guerre virtuelle était née !
    Non pas qu’il n’y ait pas actuellement de combats en Syrie, mais en l’occurrence les media y ont créé et véritablement “monté” de toutes pièces une “guerre intérieure”, c’est-à-dire une guerre civile dans la terminologie des institutions internationales.
    Là où il n’y a, vraisemblablement, qu’une guerre subversive conduite depuis l’extérieur par des troupes formées à cet effet dans l’unique but de renverser l’État existant Guerre de mercenaires et de fondamentalistes musulmans plus ou moins azimutés : al-qaïdistes, salafistes wahhabites, djihadistes manipulés qui tentent effectivement d’amorcer en Syrie une guerre confessionnelle, sunnites contre chiites alaouites, chrétiens et druzes.
    Ce tableau apocalyptique est-il la réalité vraie ou pas ? Ce tableau apocalyptique correspond-il réellement à la réalité sur le terrain ? Peut-être bien que oui ! Mais peut-être faudrait-il aussi tempérer l’ardeur des media vendeurs de peau d’ours avant de l’avoir tué.
    Parce qu’après tout ce ne sont que six cents hommes aguerris, acheminés par les bons soins logistiques de l’Otan et conduits par un djihadiste, Abdelhakim, celui qui ont fait tomber Tripoli le 1erseptembre 2011 et Belhadj devenu commandant militaire de la capitale libyenne avant de transporter ses talents et sa ferveur religieuse en Syrie !
    Reste une bizarrerie et qu’apparemment la violence et sa mise en scène, celle de terribles combats mettant aux prises un peuple mû en principe par une puissante dynamique libératoire et des forces gouvernementales ou paramilitaires de répression, n’ont pas suffi, en seize mois d’affrontements, à détruire un État syrien résistant à l’ouragan de guerre médiatique. 16 vous lisez ?
    D’un côté la résistance et la bonne tenue des structures d’État, est un fait constatable par exemple parce qu’ils ont su organiser, dans et malgré la tourmente, un référendum de changement constitutionnel et soumettre au suffrage populaire une nouvelle chambre bien plus pluraliste que la précédente, et de l’autre côté un déchaînement inouï des media annonçant quotidiennement la chute imminente d’un régime criminel, chute qui tarde cependant à venir. Car, à lire les grands media étatiques, cette chose est déjà acquise.
    Alors pourquoi vouloir forcer la main aux Russes, exercer sur eux toute sorte de “chantages” pour qu’ils avalisent une Résolution du Conseil de Sécurité adossée à l’Article 7 de la Charte des Nations-Unies devant permettre in fine une intervention armée extérieure ?
    Ainsi, selon un «ancien diplomate européen en poste dans la région », contacté par France 24, « la bataille de Damas montre à quel point le régime baasiste est en train de perdre pied ».
    Et de conclure : « Si le clan Assad ne parvient à reprendre le contrôle de ces faubourgs rebelles, c’est l’ensemble de la capitale qui pourrait lui échapper, et précipiter sa chute ».
    On appréciera au passage le flou artistique entourant la source que cite la chaîne publique, parce qu’enfin, en quoi « l’ancien diplomate » est-il habilité à porter une appréciation sur la situation prévalant dans les faubourgs de Damas ?
    http://www.voltairenet.org/Video-Thierry-Meyssan-a-propos-de,175069

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