La bataille d’Alep

Manifestants à Alep
(Photo AFP)

À Alep, où les forces de Bachar El Assad tentent de reconquérir les quartiers occupés par l’Armée de libération syrienne (ALS), la situation est confuse aujourd’hui : le pouvoir affirme avoir délogé les insurgés qui, pour leur part, affirment le contraire.

BACHAR SEMBLE avoir moins de succès à Alep qu’à Damas, d’où les rebelles ont été expulsés il y a quelques jours. Mais, quoi qu’il en soit, il ne peut remporter que des victoires à la Pyrrhus. Du chaos de la guerre civile, ne sortira qu’un nouveau pouvoir. Le dictateur syrien, même s’il remporte un triomphe contre l’ALS, ne sera plus en mesure de diriger son pays.  Il peut croire à un succès militaire,  il a néanmoins perdu politiquement, ce qui rend plus absurde encore sa démarche à la fois brutale et suicidaire. Sans compter les destructions massives en Syrie et les dizaines de milliers de morts dont le nombre augmente chaque jour.

La durée du conflit accroît la gravité du désastre. La responsabilité de la Russie dans l’impasse militaire n’en est que plus coupable. Et la perspective d’une solution de type diplomatique s’éloigne chaque jour davantage. C’est pourtant la seule carte que le ministre des Affaires étrangères entend jouer, qui a appelé à une nouvelle réunion du Conseil de sécurité, alors que les précédents ont largement démontré que Moscou ne consentira jamais à abandonner Bachar El Assad à son sort. Un minimum de clairvoyance, après un an et demi d’un conflit qui aurait fait 18 000 morts, incite à penser qu’il n’y aura de solution que par la force. Non que les Occidentaux aient le moindre espoir (ou la moindre volonté) de se livrer à une intervention armée. Mais les insurgés, aidés par des livraisons d’armes, finiront par venir à bout d’une des dictatures les plus cruelles et les plus répressives du monde. Il ne s’agit pas du scénario idéal : une Syrie en cendres sera forcément le théâtre des divisions déjà inscrites par sa variété ethniques et religieuses, musulmans, alaouites, sunnites, chrétiens, qui tenteront, on peut le craindre, de se créer des espaces territoriaux autonomes. La Syrie va probablement devenir un deuxième Irak, même si le changement y a été spontané et non déclenché par une agression extérieure, comme ce fut le cas en 2003. La leçon du printemps arabe, c’est que les Arabes n’avaient nul besoin des Américains pour choisir un nouveau destin. L’autre leçon, c’est que, en définitive, toute révolution ne produit pas nécessairement le retour à l’unité d’un pays et la construction d’une démocratie.

La Syrie n’est pas la Libye.

Les moyens mis en oeuvre, par les États-Unis notamment, pour empêcher que Al-Qaïda ou des combattants du Djihad ne prennent le contrôle de la Syrie, demeurent très insuffisants. En même temps que nous assistons à une révolution authentique et à une guerre civile, au sein de laquelle le courage et le mérite des insurgés sont indubitables, la phase syrienne du printemps arabe est complètement distincte de la phase libyenne. Quel que soit le désordre qui règne en Libye, chaque libyen sait ce qu’il doit à l’intervention militaire des Occidentaux, sans lesquels les révolutionnaires libyens n’auraient pu se débarrasser de Kadhafi. Ce ne sera pas le cas en Syrie où, grâce à l’aveuglement russe, le prochain pouvoir sera pris par ceux qui auront vaincu Bachar par les armes.

Dans ces conditions, les polémiques franco-françaises au sujet de la Syrie semblent  encore plus dérisoires qu’à l’habitude. « Le Parisien » ayant fait dire à Nicolas Sarkozy « on m’a critiqué sur la Libye mais moi, au moins, j’ai agi », Laurent Fabius a déclaré : « Le seul souvenir que j’ai de l’action de M. Sarkozy avec M. Bachar El Assad, c’est de l’avoir invité à présider les cérémonies du 14 juillet » en 2008. Querelle de mots proche de l’ineptie, tant la diplomatie est frustrée et réduite à l’immobilisme. Si M. Sarkozy a cru à tort en 2008 qu’il pouvait ramener Bachar dans le giron de la diplomatie internationale, son action en Libye a été soutenue par les Français, y compris par l’opposition de l’époque. Il ne faut pas aller chercher dans le passé les erreurs des autres. Sinon, on rappellerait à M. Fabius, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères, qu’il a milité pour le « non » au traité européen, ce qui aurait dû le disqualifier pour les fonctions qu’il occupe aujourd’hui.

RICHARD LISCIA

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