Le choix des Américains

Romney et Ryan
(Photo AFP)

Dans la foulée d’une campagne farcie de maladresses, les républicains ont choisi la ville de Tampa en Floride pour y tenir leur convention, sans penser aux ouragans de fin d’été, nombreux dans la région. La tempête Isaac les a contraints à différer d’un jour la convention, qui consacrera la candidature à la présidence de Mitt Romney, avec le représentant du Wisconsin, Paul Ryan, comme candidat à la vice-présidence.

DE CE CÔTÉ-CI de l’Atlantique, on tend à penser que M. Romney ne fait guère le poids contre Barack Obama. Mauvais orateur, gaffeur impénitent, mormon (ce qui n’est pas une bonne référence aux yeux des évangélistes), il ne convainc pas l’opinion quant à sa capacité à favoriser la croissance et à réduire le chômage. Pourtant, la bataille sera rude. Car M. Obama a déçu la classe moyenne, habituée à des crises courtes, suivies de périodes de forte croissance, schéma qui a disparu avec une crise profonde et redoublée (double dip crisis) qui dure depuis 2008. Le président en exercice, qui a perdu sa majorité parlementaire en 2010, n’a réussi qu’à imposer sa réforme de l’assurance-maladie, ce qui serait tout de même un exploit historique si elle n’était aujourd’hui menacée par la perspective d’une victoire, toujours possible, de son adversaire. Le printemps arabe s’est chargé de mettre à mal sa grandiose vision d’une Amérique qui ne s’ingèrerait plus dans le destin des autres pays. Les républicains lui reprochent son intervention en Libye alors que les États-Unis n’ont pas pris le leadership de la lutte contre Mouammar Kadhafi et demeurent inertes au sujet de la Syrie. Il n’a pas non plus réduit la dette ou les déficits publics et Mitt Romney le lui rappelle tous les jours, là aussi en lui adressant le reproche contradictoire d’un insuffisant soutien à l’économie.

Ryan : un bon choix.

Le choix de Paul Ryan comme candidat à la vice-présidence a été excellent. Contrairement à M. Romney, M. Ryan s’est bâti à la Chambre des représentants une réputation de technicien compétent de la réduction des déficits en proposant des coupes dans les budgets sociaux, Social Security (retraites), Medicare (soins aux personnes âgées) ou Medicaid (soins aux pauvres). Son inspiration est néanmoins ultra-libérale; elle effraie les retraités et les indigents. L’arrivée en lice de M. Ryan (42 ans) ne s’est pas traduite à ce jour par une flambée de la cote de popularité du « ticket » républicain. L’opinion est donc partagée à peu près à égalité entre les deux camps, avec, pour le moment, un léger avantage au président sortant, notamment dans les fameux « swing states » (Floride, Ohio, Virginie, Iowa, Wisconsin, Michigan), c’est-à-dire les États qui, tous les quatre ans votent indifféremment pour l’un ou l’autre camp et dont les suffrages sont donc décisifs.

L’avance dont bénéficie M. Obama se réduit toutefois. De la droite conservatrice, qui l’abreuve tous les jours d’injures et d’arguments complètement artificiels (comme les « birthers » qui continuent à prétendre qu’il n’est pas né aux États-Unis malgré la production d’un certificat de naissance établi à Hawaii), le président n’a rien à attendre ; quant à la gauche, elle devra soit se contenter de M. Obama, soit donner le pouvoir à un homme beaucoup plus à droite et libéral que tous les présidents passés, y compris Ronald Reagan. Bouleversés par l’amère prise de conscience du déclin de leur pays, en proie à un chômage qui ne diminue pas et à la baisse de leur pouvoir d’achat, les Américains semblent regretter leur audace de 2007, l’année où, non sans un enthousiasme remarquable, ils ont fait entrer à la Maison Blanche un président noir. Il serait simpliste de dire qu’après le progrès historique d’il y a près de cinq ans, succède le retour au conservatisme. Mais tout se passe comme si l’électorat, épouvanté par sa propre témérité, ne serait pas loin de croire qu’il doit maintenant la digérer.

Bien entendu, les jeux ne sont pas faits. la convention améliorera les scores sondagiers de M. Romney. Mais la campagne n’a pas encore commencé, malgré des échanges de mauvais procédés dans les spots publicitaires où les deux candidats ont rivalisé de mauvais goût. Le coffre de Romney est plus plein que celui d’Obama, mais le président, dont la modération jugée excessive n’a empêché ni un fréquent usage des drones contre les terroristes, ni l’opération  qui a abouti à l’exécution d’Oussama Ben Laden, dispose d’une équipe soudée qui lui a donné la victoire en 2007. Une victoire de M. Romney serait celle, ne le cachons pas, d’une inquiétante ignorance diplomatique et d’une libéralisation de l’économie alors que celle-ci a plutôt besoin d’une régulation accrue. Une victoire de M. Obama n’aurait de sens que s’il mettait enfin en oeuvre les réformes qu’il a annoncées il y a cinq ans.

RICHARD LISCIA

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