Rien de normal dans tout ça

Valérie Trierweiler
(Photo AFP)

À en juger par la flopée de livres qui examinent les relations sentimentales ambiguës et compliquées de François Hollande avec la mère de ses enfants, puis avec Valérie Trierweiler, le président de la République n’a rien à envier, dans le domaine de sa vie privée, à son prédécesseur, même s’il se présente encore comme un président normal. L’affichage permanent de sa frugalité, de sa sobriété, de sa simplicité et la promesse de régler en privé ses affaires privées n’empêchent pas l’histoire de sa liaison avec Mme Trierweiler et l’influence qu’elle a eue sur sa démarche politique d’être étalées sur la place publique.

CE N’EST PAS la fin du monde : le couple Hollande-Royal battait de l’aile bien avant que Ségolène Royal obtînt l’investiture du PS pour la candidature à l’élection présidentielle de 2007. Mais les passions, l’usure des sentiments, la trahison, la jalousie, toutes ces pulsions que Mme Royal a dominées avec courage de façon à ne laisser affleurer que la pointe de son ressentiment, mais que sa rivale, qui triomphait pourtant, a jetées en pâture aux médias, jettent sur la cohérence affichée du projet hollandais un doute lié à l’imprévisibilité des mouvements de l’âme. Contrairement à son ex-compagne et à sa nouvelle (chacune souffre à sa manière), François Hollande semble fort bien s’arranger de leurs deux caractères. Il trouvera bien, tôt ou tard, à Mme Royal un emploi qu’elle jugera digne d’elle, encore que cette manière, fort peu démocratique, arbitraire même, d’avoir prévu pour elle une élection à la Rochelle et le job de présidente de l’Assemblée, relevât d’une manipulation qu’Olivier Falorni a bien fait de combattre, et avec succès : était-ce pire quand le fils Sarkozy briguait la présidence de l’EPAD ? ; M. Hollande entend bien rester auprès de Mme Trierweiler, tout en la surveillant et en la contrôlant, car elle a montré que, sous l’emprise d’un amour renforcé par l’héroïsme de l’être cher et de la possessivité, elle est capable de commettre des actes irresponsables.

Qu’en est-il des promesses ?

Il en va de la politique comme du reste : les gouvernements, les hommes et les femmes changent, mais ils se ressemblent. Que n’a-t-on pas dit de Nicolas Sarkozy quand, accablé par le départ définitif de Cécilia, il a trouvé son réconfort dans les bras de Carla ? Un président qui divorce et qui se remarie, qui passe de la dépression au bonheur absolu, pendant que le pays souffre de la crise ? L’opinion est infiniment plus indulgente pour François Hollande bien qu’il n’ait pas su supprimer l’ingérence, dans les affaires de l’État, d’une existence personnelle aussi agitée que celle de son prédécesseur.  Le président normal voyage en train plutôt qu’en avion, il est gentil, attentionné, aimable avec tous les citoyens qu’il rencontre. Mais enfin ce chantre de la vertu a commencé par ne pas tenir toutes ses promesses. Pis : bien qu’il ait décidé d’accélérer le rythme des réformes pour faire remonter une cote de popularité en berne, chaque dossier déclenche chez lui une longue hésitation.

Oui ou non, est-il en faveur du nucléaire ? Il n’est pas possible que de nombreuses voix gouvernementales soutiennent les propos d’Arnaud Montebourg (qui voit de l’avenir à la filière nucléaire) et relancent le projet d’aéroport international près de Nantes (la ville de Jean-Marc Ayrault) sans que le chef de l’État n’ait pas suggéré de telles interventions publiques. Est-il du côté du patronat ou de celui des syndicats ? On ne le désapprouvera pas d’avoir envoyé des ministres à la réunion du Medef, mais la CGT prépare une journée de protestation pour la rentrée, comme si M. Sarkozy était encore au pouvoir. Il est amusant de voir les commentateurs de la télévision réduire à néant la baisse artificielle du prix de l’essence,  comme au temps de la droite ; amusant aussi, bien qu’inquiétant, de les voir prononcer des prédictions apocalyptiques sur l’incapacité du gouvernement à assurer, aux dates indiquées, le retour aux équilibres budgétaires.

Le brouhaha du pessimisme de gauche étouffe les critiques convenues de la droite. Les Verts, pour garder leurs emplois, s’efforcent de rester calmes, mais le mot provocation a été souvent prononcé chez eux. Jean-Luc Mélenchon, après une courte éclipse post-électorale, reprend du poil de la bête. Jean-Marc Ayrault durcit le ton en direction des socialistes qui refusent de voter le traité européen. Le mot d’ordre gouvernemental est d’insister constamment sur la difficulté de la tâche. Bien entendu, rien de ce fracas et de ces colères ne menace le pouvoir, son président et sa majorité. Il n’empêche : dans le genre normal, on n’a jamais fait plus compliqué.

RICHARD LISCIA

 

 

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