Les pieds dans le tapis

Ayrault : erreurs et gaffes
(Photo S. Toubon)

Le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, annonce une décision du Conseil constitutionnel avant que les Sages n’aient statué ; il doute de pouvoir faire adopter une loi sur le droit de vote des étrangers avant les élections municipales de 2014 ; les problèmes de communication du Premier ministre qui, pourtant, occupe souvent la radio et la télévision, sont en train de se transformer en problèmes de gestion.

DANS UN ACCÈS de colère contre l’opposition qui, au Parlement, lui fait subir le traitement qu’il réservait naguère au pouvoir, M. Ayrault a accusé la droite de souhaiter « l’échec de la France ». Jean-Pierre Raffarin estimait ce matin que les mots du Premier ministre avaient sûrement dépassé sa pensée. On ne partagera pas l’indulgence de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac : accablé par le jeu impitoyable de la démocratie qui lui convenait tant il y a peu, M. Ayrault a tenté de disqualifier l’opposition. Il a failli à la règle du jeu.

S’il avait, dans l’action, la constance et l’efficacité qu’il n’a pas dans la communication, on le pardonnerait. Non sans une légèreté qui semble traduire son impréparation aux responsabilités, il a annoncé une décision du Conseil constitutionnel avant même que les Sages n’eussent statué. Il s’agit de la loi Duflot sur le logement social adoptée définitivement par le Parlement le 10 octobre. M. Ayrault (ou ses conseillers) lui aurait découvert un vice de forme et aurait décidé de retoquer le texte sans attendre le jugement du Conseil constitutionnel, qui ne se prononcera que ce soir. Le Premier ministre a déjà prévu que le gouvernement adopterait le 14 novembre un nouveau projet de loi qui sera soumis 6 jours plus tard à l’Assemblée.

Le désordre gagne les rangs du pouvoir où l’on semble avoir renoncé au droit de vote des étrangers. Il n’est pas possible, dit le gouvernement, de réunir une majorité des trois-cinquièmes pour changer l’article 3 de la Constitution, lequel réserve le droit de vote aux citoyens français. Alain Juppé s’empresse de dire tant mieux car « c’est une mauvaise réforme », mais Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs écologistes, rappelle à François Hollande ses promesses électorales. Le dépit est d’autant plus grand à gauche qu’une loi votée en 2013 permettrait aux étrangers de voter aux municipales de 2014. M. Placé estime qu’il faut se battre pour qu’un projet soit mis au point dès mars 2013. Il se dresse donc contre le réalisme apparent de M. Ayrault qui ne croit pas pouvoir convertir à la religion de la gauche une cinquantaine d’élus de l’opposition. « C’est trop, c’est beaucoup trop », disait le Premier ministre ce matin sur France Inter. De là à ce qu’il passe pour une mauviette aux yeux de l’écologie combattante, le pas sera vite franchi.

Cacophonie et désordre.

Ainsi se poursuit l’action du gouvernement, dans la cacophonie d’abord et ensuite dans le désordre qu’il crée par ses déclarations prématurées, ses renoncements, ses gaffes. Si, au sujet du droit de vote des étrangers, une percée était possible du côté des centristes, Jean-Louis Borloo a déjà fermé la porte en disant que le projet provoquerait « plus de blessures que de solutions, comme (l’affaire de) l’identité nationale » (portée par Nicolas Sarkozy). On ne se réjouira sûrement pas des difficultés, décidément sérieuses, que rencontre le pouvoir, car les doutes concernant M. Ayrault (pourtant salué chaleureusement par M. Raffarin), embarrassent énormément l’Élysée. Les dossiers dont on parle le plus ne sont pas les plus importants mais ils s’ajoutent à des défaillances plus sérieuses en matière de gestion. On ne s’inquièterait pas des hésitations, vacillations et procrastinations du Premier ministre s’il n’y avait le feu au lac. On ne voit pas pourquoi les Français, invités à faire des sacrifices comme ils n’en ont jamais consenti depuis plus de 65 ans, s’empresseraient d’obtempérer au pouvoir médiocre qui les leur réclame.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Les pieds dans le tapis

  1. anger dit :

    Dans d’autres pays où cela existe, les étrangers ne vont même pas voter.
    Pendant ce temps le pays s’enfonce …

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