Obama : le tour de force

À Chicago
(Photo AFP)

La victoire de Barack Obama n’est pas un triomphe, elle est quand même plus large que ce que l’on veut bien en dire. Le président a été réélu avec une faible majorité populaire, de l’ordre de 50-49, mais avec une avance en voix du Collège électoral plus grande que prévu. Il ne faut, pour mesurer son succès, négliger ni le contexte économique, ni la violence d’un parti républicain voué à la destruction du président, ni la déception profonde  qui était censée conduire les Américains à changer de chef de l’exécutif. 

SI M. OBAMA a surmonté toute une série de handicaps liés à la montée du Tea Party et à la radicalisation de la droite républicaine, à un chômage tenace (juste au-dessous de 8%), et à l’impossibilité, pour lui, de trouver des compromis avec un Congrès acharné à sa perte, c’est parce que son bilan de premier mandat est relativement bon. Il a mis fin à la guerre d’Irak, il prépare le retrait des forces américaines d’Afghanistan, les sommes énormes investies dans le redressement économique ont permis d’empêcher l’effondrement de l’emploi, le sauvetage de l’industrie automobile lui a donné la majorité dans l’Ohio, État-clé de la consultation, et l’instauration de l’assurance-maladie universelle, emblème de sa politique, est désormais assurée par sa réélection.

La dénonciation par les républicains du « socialisme rampant » qu’ils attribuent à M. Obama, le déni de patriotisme qu’ils lui ont infligé, la ridiculisation d’un personnage considéré davantage comme « européen » que vraiment américain se sont heurtés à la matérialité des faits : les Américains souffrent comme d’autres peuples frappés par la crise, mais ils ont bien compris que le portrait d’Obama dressé par les républicains n’était pas figuratif. Et que le président, pendant quatre ans, est parvenu à les protéger du pire.

L’échec républicain.

En même temps, ni Mitt Romney ni l’autre homme de son « ticket », Paul Ryan, n’ont présenté une alternative crédible à la politique, centriste et modérée, de M. Obama. Les affres de la campagne, avec le faux-pas de M. Obama lors du premier débat, l’inquiétude du camp présidentiel, la bonne stratégie de Romney, radicalisé outre mesure pour être investi par le parti républicain, puis recentré brutalement pour être élu, tous ces facteurs n’ont pas empêché la réélection de Barack Obama. Bien sûr, sa victoire, remportée de main de maître, ne lui ouvre pas un chemin jonché de roses. Il doit, dans les deux mois qui viennent, trouver un accord avec le Congrès pour la réduction de la dette et l’augmentation des impôts. Accord sans lequel il devra affronter le fiscal cliff, la falaise fiscale, c’est-à-dire la réduction automatique de 600 milliards de dollars par an du déficit budgétaire, 400 en diminution de la dépense publique, 200 en hausses d’impôts. Le risque d’une automatisation aveugle du système fiscal est une plongée dans la récession.

Retour à l’équilibre.

Les républicains, largement battus et victimes de leurs diverses dérives, économique, philosophique, politique, doivent méditer sur leur défaite. Ils peuvent certes estimer que leur majorité à la Chambre des représentants, sinon au Sénat, les autorise à poursuivre leurs bombardements massifs sur le président démocrate et, par voie de conséquence, à entraîner le pays dans une descente aux enfers. Ils peuvent aussi comprendre que, n’ayant pas eu la peau du président, ils ne l’auront jamais puisqu’il ne peut pas se présenter à un troisième mandat. Et ils devront choisir entre leur Obamaphobie et leur propre patriotisme, celui qu’ils portent en sautoir toute la journée sans dire en quoi il consiste : si, comme ils l’affirment, ils aiment l’Amérique et les Américains, ils doivent protéger l’intérêt général, et pas celui des lobbies et des banques.

C’est facile de nourrir un espoir, de trouver des arguments en faveur d’une pacification de la société, c’est, comme a pu le constater l’ex-sénateur de l’Illinois devenu président, infiniment plus difficile de convertir en actes décisifs des idées généreuses. Mais l’espoir est indispensable si l’on veut rassembler son énergie. En outre, il ne faut jamais désespérer de l’Amérique. Elle vacille souvent comme un bateau ivre, mais admettez que, le moment venu, elle finit pas retrouver son équilibre.

RICHARD LISCIA

 

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