Travail : l’impasse ?

 

Mailly (FO)
Photo S. Toubon

La négociation entre les partenaires sociaux pour la réforme du marché du travail doit se terminer vendredi. Rien ne laisse penser qu’elle aboutira à un accord. Il s’agit de moderniser l’accès à l’emploi au nom de la « flexibilité dans la sécurité » : de faire disparaître « la peur d’embaucher et la peur de licencier ». Le conservatisme des syndicats, mais aussi du patronat, ne laisse pas augurer une issue positive, malgré l’importance de la négociation, aussi indispensable à la croissance économique que les investissements ou la formation professionnelle.

LA NÉGOCIATION, qui devait prendre fin en décembre dernier, a été prolongée, mais sans que les positions des uns et des autres aient beaucoup évolué. Elle bute principalement sur une exigence des syndicats : constatant que le travail précaire, sous la forme de contrats à durée déterminée (parfois un mois à peine), est de plus en plus utilisé par les entreprises, ils veulent que les CDD soient taxés davantage qu’ils ne le sont actuellement. Sur le plan humain, cela semble légitime ; sur celui de la fameuse flexibilité, c’est une hérésie.

Le non de la CGT.

Le problème vient à la fois du refus du Medef et de l’attitude de Force ouvrière et de la CGT, laquelle a déjà fait savoir qu’elle ne signerait aucun accord. Le gouvernement, dont le voeu le plus cher est d’obtenir un accord « historique » qui démontrerait la maturité de la France en matière sociale, fait pression sur le patronat pour qu’il accepte la taxation plus élevée des CDD. Jean-François Roubaud, de la CG-PME, a dénoncé ce matin l’ingérence du gouvernement dans une négociation dont le principe fondamental consistait à laisser les partenaires sociaux parvenir seuls à un accord.

Les pouvoirs publics n’auront sans doute pas le loisir de se vanter d’un résultat positif qui aurait un effet bénéfique sur tous ceux qui, des gouvernements étrangers aux agences de notation, observent l’évolution des mentalités françaises en fonction de la crise. Il est plus que probable qu’il devra dire le droit en la matière et faire une loi de rénovation du marché du travail qui s’imposera aux syndicats et au patronat. En 1984, il y a donc près de trente ans, une négociation du même genre avait échoué. Depuis, les partenaires sociaux n’ont jamais essayé, comme en Allemagne, de négocier pour rendre le marché du travail plus souple, pour que les licenciements ne soient pas un désastre dans les entreprises à cause des indemnités parfois colossales qu’elles doivent verser, pour que le choix d’embaucher ne les engage pas au-delà de l’horizon de leur carnet de commandes, mais aussi, bien sûr, pour que l’emploi proposé sorte de la précarité la personne embauchée.

Des emplois en l’absence de croissance.

Pratiquement tous les pays du monde ont adopté le terme affreux de « flexisécurité ». Ce n’est pas qu’un mot, c’est une façon de créer des emplois en période de croissance nulle ou insuffisante. La durée du contrat risque certes d’être courte, mais le licenciement serait assorti d’une formation pour recaser le nouveau chômeur. D’aucuns estiment qu’un employé licencié qui suit une formation ne doit pas être considéré comme un chômeur. Bien entendu, rien ne vaut une forte croissance qui créerait des emplois stables et de longue durée. Mais il y a bientôt trente ans que le plein emploi n’existe plus en France et il est indispensable (et urgent) de trouver des solutions adaptées à une croissance faible ou nulle. C’était une bonne idée de laisser les partenaires sociaux se conduire en adultes en dehors de toute intervention étatique. On assiste néanmoins aux limites de l’exercice dans un pays où la méfiance reste grande entre les dirigeants d’entreprise et leurs salariés.

On ne voit pas trop ce qui, d’ici à vendredi, permettrait la négociation de sortir de l’impasse. L’idée est que la CGT ne signant pas, il faut essayer d’obtenir le consentement de la CFDT qui donnerait le signal aux autres syndicats. Un accord d’où ne serait absente que la signature de Bernard Thibault serait viable. Un accord avec deux ou trois syndicats ne le serait pas.

RICHARD LISCIA

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