Armstrong : les aveux les moins doux

Armstrong hier à la télé
(Photo AFP)

Lance Armstrong a donc avoué, dans un entretien télévisé enregistré il y a quelques jours, qu’il était dopé et que toute sa stratégie de champion était fondée non sur sa supériorité physique mais sur un plan élaboré et frauduleux pour distancer ses rivaux grâce à la testostérone, aux transfusions de sang et à l’érythropoïétine (EPO). Tout en avouant, il s’est montré incapable d’exprimer le moindre remords.

ARMSTRONG n’a jamais soulevé en France un enthousiasme excessif, notamment parce qu’il n’a pas assorti ses extraordinaires performances de la convivialité et de la simplicité que nous aimons chez les champions. Sa froideur a soulevé des critiques même quand il gagnait le Tour avec une régularité de métronome. Son traitement anti-cancer a été interprété comme une forme de dopage à une époque où rien n’alimentait le moindre soupçon sur son comportement, ce qui revenait à le condamner parce qu’il s’était soigné. La barrière du langage n’a pas facilité ses entretiens télévisés. Il ressemblait déjà à un robot inaltérable quand le public aimait les challengers, les coureurs qui faisaient des efforts démesurés pour se placer dans la course ou remporter une étape et l’ambiance populaire qui ne convenait guère à cette sorte d’aristocrate ou d’extra-terrestre régnant sur le Tour comme s’il avait usurpé le pouvoir. Bref, avant même d’être confondu, il était parfois détesté.

Sauver les meubles.

La suite a montré que les plus sceptiques avaient raison. Même s’il est incapable de montrer un peu de contrition, il a reconnu dans l’entretien qu’il n’aurait jamais été sept fois champion du Tour s’il n’avait été dopé. Malheureusement, on devine ou on croit savoir qu’il n’est passé aux aveux que pour sauver les meubles. Confondu par les tests, blâmé avec virulence par les autorités sportives américaines, abreuvé des quolibets du monde entier, il a conçu ses aveux comme un moindre mal, comme un moyen de garder tout ou partie des millions qu’il a encaissés, comme une méthode pour moins souffrir de sa déchéance. Cet homme-là est tout simplement un calculateur peu soucieux des responsabilités qu’il a prises ou de la réputation exécrable qu’il s’est faite. Il est dans une bataille de tranchées où, derrière la dernière, il tente de découvrir une autre position qui lui évitera l’anéantissement. De sorte que, après avoir porté un coup mortel au sport en général et au cyclisme en particulier, il ne nous semble pas contribuer à leur renaissance.

On comprend toutefois qu’il tente d’échapper, au moins partiellement,  à l’ignominie. C’est humain. D’autant qu’il garde des partisans, des gens qui continuent à croire qu’il aurait été un champion même s’il n’avait pas été drogué et d’autres qui estiment que le dopage est si répandu que faire le procès d’un homme ne suffit pas et qu’il faudrait faire celui d’une profession. Porté aux nues par ses victoires, tombé plus bas que terre à cause des preuves et de ses aveux, Armstrong n’en est pas moins la partie d’un tout, ce cyclisme transformé en machine à fric et dont la popularité est telle qu’elle en a fait un immense business. La culpabilité d’Armstrong s’inscrit dans un phénomène général créé par un public extrêmement nombreux et cosmopolite qui, comme pour le football, conduit les sportifs à des actes toujours plus dangereux et les organisateurs à fermer les yeux au nom de l’argent, de la gloire, des enjeux économiques, du besoin des gens de trouver dans la compétition le dernier carré où l’on ne leur parle plus du chômage et du pouvoir d’achat mais où l’on donne de la joie, du plaisir, de la distraction.

On en est toujours là, même si le paradis supposé est en réalité un enfer pavé d’EPO. Faut-il alors relativiser le crime ? Compter les dopés qui pourraient être ou avoir été une majorité ? Se demander si Armstrong et ses copains de triche sont quand même doués et auraient fait merveille sans le dopage ? Légaliser le dopage ? Non. On condamne un homme, pourvu que le sport soit sauf, même si un lourd soupçon pèse sur la discipline elle-même.

RICHARD LISCIA

 

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