La France, puissance malgré elle

 

Jean-Yves le Drian
(Photo S. Toubon)

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, reconnaît que l’Allemagne n’a plus, à cause du souvenir pesant de Hitler et d’Auschwitz, l’ambition de devenir une puissance politique conforme à sa dimension économique. Cette timidité géopolitique, qui tente de cacher, puérilement, une forme d’égoïsme, conduit tous les jours la France à prendre des responsabilités plus grandes qu’elle.

FRANçOIS HOLLANDE n’avait pas le choix. À mesure que se poursuit le conflit du Mali, on découvre de nouvelles raisons d’approuver la décision du chef de l’État. Il y était contraint par le chaos qu’une « invasion » du sud du pays par les gangs islamistes n’aurait pas manqué de déclencher, par les graves insuffisances de l’armée malienne, au bord de la débandade, par la fragilité du pouvoir qu’incarne un président par intérim, par la menace qu’une déstabilisation du Mali aurait fait peser sur l’ensemble du Sahel. Le droit à la critique est inaliénable en démocratie, mais qu’auraient-ils fait de mieux ceux qui, aujourd’hui dénoncent « l’isolement » de la France (à prouver), le coût de l’intervention militaire, les périls d’une guerre sans merci et le risque accru que courent les otages français au Sahel? Toutes ces critiques n’empêchent pas, au terme de l’analyse, d’approuver le président.

Un ministre compétent.

Le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, a fait la démonstration de ses compétences dans un entretien télévisé avec la Cinq dimanche. Il n’a pas dit un mot de plus que ne l’autorisait le secret défense. Il n’a nullement minimisé les difficultés de la tâche que la France s’est assignée. À la question sur nos concitoyens détenus par des intégristes, il a répondu en rappelant que 6 000 Français installés au Mali seraient devenus des otages si l’invasion du sud avait réussi. Il a donc fait comprendre qu’il y a des moments de grande urgence (une demi-journée supplémentaire d’atermoiements , a-t-il affirmé, aurait suffi à sceller le sort du Mali) où l’hésitation n’est plus de mise. Il est probable qu’un autre président que François Hollande aurait fait le même choix que lui. Mais, même si une contrainte explique la nécessité de riposter, donc d’entrer en guerre, elle n’enlève rien au courage d’un chef de l’État qui n’ignore rien des inévitables conséquences de son choix. Surtout si la bataille ne se traduit pas que par des succès.

La question n’est donc pas de savoir si la France est isolée, elle porte sur une politique européenne totalement inexistante, dont les institutions sont incapables de réagir, sur une Union trop heureuse de voir la France prendre le risque du leadership militaire sans la rejoindre dans l’aventure qu’elle s’impose elle-même. Au moment où la France et l’Allemagne célèbrent le cinquantième anniversaire de leur réconciliation, Paris et Berlin doivent faire un peu mieux que vivre en paix : il leur faut faire la guerre ensemble. Et cela va plus loin que l’axe franco-allemand. L’Union doit constituer une force européenne de déploiement rapide qui répartira les risques humain et financiers entre  les Vingt-Sept. « Nous ne sommes même pas jaloux de vous », dit M. Schaüble. Mais ce n’est pas le problème. Il ne s’agit pas de savoir qui est le plus fort. Il s’agit de créer une défense européenne.

L’algarade de Dany.

Daniel Cohn-Bendit, au Parlement de Strasbourg, n’a donc pas eu tort d’apostropher la « ministre européennes des Affaires étrangères », Catherine Ashton dont la marque de fabrique est le silence et l’absence. Les Français, lui a-t-il dit en substance, ne sont pas des mercenaires. Et l’Europe agit comme si elle leur disait : « Allez vous faire tuer, on vous enverra les infirmières ». L’Allemagne ne peut pas s’exonérer d’une tâche au nom d’un passé révolu, alors que le présent n’a plus rien à voir avec le IIIè Reich. C’est trop commode et c’est même hypocrite, parce que cela consiste à faire de sa lâcheté une vertu. Ne pas s’engager dans ce conflit quand on est européen, c’est feindre de ne pas croire que les succès du fanatisme au Sahel seront suivis d’attentats dans toute l’Europe et pas seulement en France.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à La France, puissance malgré elle

  1. Herodote dit :

    La France entre en guerre pour les excellentes raisons exposées mais plutôt que regretter les motifs de discorde au sein de l’Union ne faut-il pas s’interroger sur les causes du fiasco diplomatique qui laisse la France seule aux avants postes de la guerre au Mali? Le précédent président avait réalisé une alliance internationale dans l’affaire de la Libye. Le changement politique est considérable sur fond de mésentente franco allemande. Il ne faudrait pas faire de nos voisins les boucs émissaires de notre amateurisme en politique étrangère.

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