Israël : la surprise

Yaïr Lapid
(Photo AFP)

Les élections israéliennes, qui semblaient ne devoir rien changer au cours des événements politiques, ont quand même produit  une vive surprise : le succès éclatant d’une nouvelle formation du centre créée il y a à peine un an, Yesh Atid, qui dispose désormais de 19 sièges sur 120 à la Knesset, le Parlement. La coalition du Premier ministre sortant, Benjamin Netanyahou, sort affaiblie de la consultation. Elle demeure le mouvement le plus fort mais, avec 31 sièges, elle en perd onze.

YESH ATID a été créé par un journaliste, Yaïr Lapid, fils de Tommy Lapid, décédé en 2008, qui lui-même avait lancé un parti centriste éphémère. La Knesset est maintenant divisée en deux blocs égaux, avec 60 sièges chacun. M. Netanyahou ne peut donc rester Premier ministre que s’il élargit sa coalition, peut-être en cooptant Yesh Atid, mais il devra alors faire des concessions. Contrairement à d’autres partis centristes, dont les travaillistes qui comptent 17 sièges et surtout le parti de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni (6 sièges), Yesh Atid n’a pas fait campagne sur le thème de la négociation avec les Palestiniens mais sur les intérêts de la classe moyenne, broyée par l’économie libérale. Le résultat des élections, en effet, ne renforce pas le camp de la paix. Dans les 60 sièges du centre, 12 sont allés aux partis arabes qui, eux, ne participent jamais au gouvernement.

Qu’en pense Obama ?

Le président Shimon Peres chargera donc M. Netanyahou de former le nouveau gouvernement. M. Lapid exigera  des changements sur le plan économique et social plutôt que  des négociations de paix. La consultation n’a pas montré un intérêt plus vif de l’électorat pour la résolution du problème palestinien et le succès de M. Lapid s’explique surtout par un mécontentement économique et social qui a donné lieu, dans le passé récent, à de vigoureuses manifestations. M. Netanyahou est critiqué pour le déficit budgétaire, pour des inégalités sociales croissantes, pour le coût de la vie, pas pour sa politique étrangère qui ignore les Palestiniens et se fonde principalement sur le danger iranien, lequel est réel et grave, mais n’est pas le seul.

Dans les chancelleries, curieusement, tous les commentaires insistent sur la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens alors que ce sujet a fort peu occupé le débat électoral, ce qui explique d’ailleurs que le seul parti qui ait fait campagne sur le thème de la paix, celui de Tzipi Livni, ait essuyé un échec, pendant que s’effondrait (à deux sièges) Kadima, autre parti centriste. Certes, les Européens, comme semblent l’indiquer les premiers commentaires de notre ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, tenteront  de lancer une nouvelle offensive diplomatique ; on peut aussi imaginer qu’un Netanyahou contraint par l’élection à élargir sa coalition et donc à assouplir ses positions, nuancera son discours. Mais ceux qui comptent sur le second mandat de Barack Obama pour ressusciter les négociations israélo-palestiniennes sont très optimistes. Tout porte à croire que, en dépit du très sérieux problème posé par l’Iran, le président des États-Unis cherche chaque jour à se dégager un peu plus du Proche-Orient en limitant son action dans la région à l’usage des drones contre les factions terroristes.

Ce n’est un secret pour personne : MM. Obama et Netanyahou ne s’entendent guère. Chacun des deux espérait la défaite de l’autre. Les voilà de nouveau ensemble pour quatre ans, pour le meilleur et pour le pire. Mais on ne fera pas une meilleure tambouille avec les mêmes ingrédients, sauf si l’urgence l’exige. C’est pourquoi la victoire de M. Lapid, bien qu’elle soit intéressante, ne change nullement la donne géopolitique au Proche-Orient. Yash Atid traduit la montée d’une jeunesse laïque soucieuse d’égalité sociale. C’est important, ne serait-ce que pour le coup d’arrêt donné à l’irruption de la religion dans la politique. Il n’empêche que M. Netanyahou, qui devrait logiquement être Premier ministre pour la troisième fois en dépit d’une forme de scrutin, la proportionnelle intégrale, propice à l’éparpillement des sièges, a réussi à consolider son programme, fait de paix intérieure et d’indifférence aux pressions du monde.

RICHARD LISCIA

 

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