Les Français sont contre tout

Des Français irascibles
(Photo Phanie)

« Le Monde » d’hier publie une enquête intéressante d’IPSOS sur l’attitude des Français à l’égard de la politique, de l’argent, des religions, des communautés, des professions, des élus et de la politique. Le sondage indique des « crispations alarmantes », un fort pessimisme, une méfiance considérable pour les autres, une ambiguïté sur plusieurs thèmes, par exemple l’argent, et une critique du pouvoir assortie d’une demande paradoxale d’autorité.

ON SAIT, depuis au moins deux décennies, que les corps constitués, police, justice, élus,  journalistes et même médecins ont perdu beaucoup de leur popularité d’antan. L’enquête d’IPSOS montre que la méfiance à l’égard de presque toutes les catégories professionnelles se généralise et s’amplifie. C’est un signal inquiétant sur les divisions du pays. Il est logique que, en ces temps très médiatisés, on se scandalise de la corruption, mais elle est l’exception, pas la règle. Et il est injuste de généraliser la critique d’une profession à partir d’un cas rare. La crise économique et sociale a aggravé une tendance au dénigrement qui existait déjà (il est communément admis que les Français sont des râleurs) ; le retour de l’opinion à une plus grande objectivité se fera un jour dans un climat social plus apaisé.

Journalistes vitupérés.

On s’empressera de souligner la terrible impopularité des journalistes, vitupérés par près de trois sur quatre de leurs concitoyens. Cela devrait nous inciter tous, moi compris, à cesser d’exercer notre métier, ce qui ne serait pas simple en ces temps difficiles. Il ne me semble pas pourtant, si j’en juge par mon observation attentive de ce qui se dit et s’écrit dans les médias, que la qualité des articles ait diminué, sinon au niveau de la syntaxe et de la sémantique. On peut être correctement informé par quelques bons quotidiens et hebdomadaires si on ne se contente pas de la radio et de la télévision. Dans le journalisme-bashing, on décèlera la lassitude mentale qu’entraîne une trop grande exposition aux médias et le fait que, si un article ou un commentaire ne dit pas exactement ce que pense  le lecteur, il sera aussitôt jeté aux orties : le lecteur confond souvent, hélas, l’objectivité avec sa ligne politique personnelle. Il n’aime pas être dérangé dans son confort intellectuel et renonce presque toujours à acheter des journaux dont la tendance idéologique ne lui convient pas.

Je me permets d’ajouter que l’agacement provoqué par la liberté de ton donne lieu, à l’heure d’Internet, à des commentaires sur les réseaux sociaux qui, dans leur très grande majorité, sont excessivement mal écrits et sous-informés, traduisent l’ignorance du dossier,  et servent davantage à exprimer une pulsion qu’une réflexion. Bien entendu, d’agréables exceptions existent, de la même façon qu’il y a des médecins admirables, des juges intègres et courageux, des politiciens qui ne songent qu’à servir leurs électeurs, des policiers au service du droit, et, pourquoi pas ?, quelques bons journalistes qui font leur métier d’informer. Le buzz médiatique qui importune ou scandalise le public ne relève pas d’un complot ourdi par je ne sais quelle force obscure, mais du foisonnement de l’offre d’information et de la concurrence féroce entre les journalistes.

Il faudrait donc que les Français trempent leur pessimisme dans un raisonnement plus froid. Malgré la crise, il vaut mieux vivre en France en 2013 qu’en 1943. Il vaut mieux avoir des moyens de communication instantanée que ne pas en avoir. Être soigné que mourir prématurément. Obtenir justice que vivre en dehors du droit. Avoir un gouvernement démocratiquement élu qu’un dictateur. Aller en Amérique  par avion que dans un voilier. Le « bon temps » n’appartient pas au passé, mais à l’avenir.

RICHARD LISCIA

 

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