Peillon tisse sa toile

Peillon dit son fait
(Photo AFP)

Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a, une fois encore, embarrassé la gauche et le gouvernement et fait grimper la droite aux  rideaux en évoquant un projet qui consiste à réduire les vacances d’été à six semaines (au lieu de huit) et les répartir en deux zones : comme pour les vacances d’hiver, les élèves partiraient à des dates différentes. Il a ensuite atténué ses propos, en disant qu’une telle mesure ne serait pas discutée avant 2015. Mais l’opposition réclame l’intervention du Premier ministre pour que M. Peillon rentre dans le rang. 

IL NE S’AGIT ni d’un couac ni d’une maladresse. Le ministre a dit tout haut ce qu’il pense tout bas depuis qu’il est entré en fonctions. Le rythme scolaire hebdomadaire à quatre jours et demi n’a pas de sens si le calendrier scolaire annuel n’est pas changé de manière à ce que les élèves puissent répartir sur un nombre de journées travaillées plus élevé l’effort d’apprentissage. M. Peillon sait fort bien que ses propositions font hurler alternativement les enseignants, les parents d’élèves, l’opposition et la majorité. Il sait que les changements auxquels il songe ne sont révolutionnaires que par rapport à la mentalité ultra-conservatrice de ses compatriotes. Il pratique le ballon d’essai d’une manière répétitive depuis la formation du premier gouvernement socialiste en juin dernier. Il n’a vraiment dérapé que lorsqu’il a proposé de dépénaliser la marijuana, la drogue n’entrant pas à proprement parler dans son champ d’action.

Une réforme justifiée.

Vincent Peillon est habité par sa tâche. Il croit si fort à ses idées qu’il est prêt à bousculer tout le monde, y compris son Premier ministre. Mais la réforme de l’éducation à laquelle il souhaite attacher son nom n’est pas la fin du monde. Elle mettrait un terme à beaucoup de ces habitudes auxquelles les Français, en dépit de tous les vents contraires, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux et qui se traduisent, au niveau de l’école, par un nombre croissant d’élèves qui la quittent sans avoir les notions de base capables de leur donner un emploi. Il faut certes agir sur le contenu pédagogique des cours et tirer la leçon du retour partiel à l’illettrisme. Lire, écrire, compter, peut-être faut-il revenir à un enseignement moins ambitieux, plus terre-à-terre. Mais il faut aussi donner aux enfants plus de temps pour se concentrer sur leurs études et se reposer plus brièvement, quoique plus souvent.

Le problème vient moins des projets de M. Peillon, qu’il faut juger à l’aune du bon sens avant de s’emporter contre lui, que de l’efficacité de sa méthode : en alertant les syndicats d’enseignants chaque mois sur ses intentions ou ses décisions nouvelles, en les mettant dans un état permanent de rage froide, en ne leur donnant pas le temps de digérer une mesure avant d’en annoncer une autre (fût-elle appliquée dans deux ans), il consomme ce qu’il lui reste de crédibilité, durcit l’action de ses adversaires, gêne le gouvernement qui ne saurait se contenter de la seule réforme de l’éducation et donne du grain à moudre à l’opposition.

Un homme courageux. 

Cependant, le courage du ministre est incontestable, dans un climat de défiance populaire qui rend le gouvernement extrêmement prudent. M. Peillon, au total, est à peu près le seul membre de l’équipe de Jean-Marc Ayrault qui ait annoncé l’étendue de sa réforme. Il n’est peut-être pas très politique, mais, tous les jours, il dit la vérité sur un système scolaire qui favorise le confort des parents, la tranquillité des enseignants et une économie du tourisme fondée sur le remplissage des hôtels à la montagne ou à la plage. Personne ne semble avoir pensé, jusqu’à ce que M. Peillon arrive au ministère, à ce qui est bon pour les enfants et pour leur formation.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Peillon tisse sa toile

  1. baudry dit :

    Enfin quelqu’un qui a le courage de dire ce beaucoup pensent.
    Le rythme scolaire actuel épuise nos enfants , je les admire de tenir des journées de 7 a 8 heures au collège ou au lycée avec des emplois du temps pas toujours faits pour eux mais pour faire plaisir aux professeurs.On exige d’eux, le soir, qu’ils revoient tous leurs cours, fassent des exercices d’entraînement.Mes quatre enfants font de la musique dans le conservatoire de notre ville. Ils ont aussi des cours de solfège et d’instrument, le soir. Je leur tire mon chapeau , leurs journées sont longues, trop longues, il est temps que cela change.

  2. Pour une fois, je soutiens totalement le ministre Vincent Peillon.

  3. POTTIER dit :

    Le constat de Claude Allègre en 2000 (« Toute vérité est bonne à dire ») est toujours d’actualité.
    Bon courage à Peillon !

  4. VANNIMENUS dit :

    Raccourcir la durée des vacances estivales et le nombre d’heures de classe quotidienne, laisser du temps pour travailler chez soi à son rythme et au calme (si possible) : c’est ce à quoi j’ai aspiré pendant toute ma scolarité, avec un été interminable puis des semaines de cours dantesques avec, par exemple, deux heures de latin de 16 à 18 h après lesquelles il fallait terminer les devoirs à la maison et préparer le devoir surveillé du lendemain. C’était il y a 40 ans. Je crains que rien n’ait changé. L’intérêt des élèves n’a jamais été la finalité des rythmes scolaires.

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