On se noie dans le gazole

Diesel ou essence, voilà la question
(Photo AFP)

D’ou vient ce subit débat national sur le diesel qui plonge à peu près tout le monde dans le désarroi ? On est parti d’un constat sanitaire, à savoir que les véhicules au gazole, et sans filtre, disséminent dans l’atmosphère des particules mortelles, comme si on ne le savait pas déjà. Et puis, on est vite arrivé à la fiscalité des carburants. Bref, le fond de l’histoire, c’est l’argent. 

ON RAPPELLERA, pour commencer, que depuis l’après-guerre, l’État a tout fait pour que les Français achètent des automobiles dont le moteur fonctionne au gazole, et pour une très bonne raison : ces moteurs consomment moins de carburant et émettent moins de CO2. Ce que l’on considère comme une « addiction » nationale résulte en réalité des encouragements, fiscaux ou autres, apportés par les pouvoirs publics aux consommateurs. Dans un pays où le prix de l’essence est aussi élevé, il était logique que les automobilistes choisissent le diesel, parce que le gazole coûte moins et parce qu’il en faut moins pour rouler. Dénoncer l’engouement de nos concitoyens pour le diesel, c’est leur reprocher d’être économes.

Quarante mille morts.

Là-dessus sont venues se greffer des préoccupations écologiques nourries par les études montrant que les particules émises par les moteurs diesel, notamment ceux des camions et des poids-lourds, tuent quelque quarante mille de personnes chaque année. On croyait que l’installation de filtres à particules avait résolu la question, mais les véhicules les plus anciens n’en sont pas dotés. Admettons que l’urgence sanitaire soit grande et qu’il faille immédiatement mettre un terme à ce danger. Ne serait-il pas logique de forcer les propriétaires de voitures anciennes à installer un filtre à particules ? Cette solution, la plus logique, est à peine mentionnée. On évoque une nouvelle prime à la casse pour inciter les propriétaires à changer de véhicule. On parle très sérieusement d’interdire l’accès aux villes des autos empoisonneuses. Mais, surtout, on envisage de taxer le gazole comme l’essence. Gain pour l’État : six à sept milliards. Par hasard, ne serait-ce pas, approximativement, la somme dont le gouvernement a besoin pour boucler le budget de 2013 ? Cette taxe résoudrait-elle le problème environnemental ? Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, jure qu’il n’est pas question de surtaxer le gazole. Il craint aussi qu’une prime à la casse ne profite aux constructeurs étrangers. Bref, il n’est pas parvenu au bout de sa réflexion.

Penser à l’industrie automobile.

Pas plus que le reste du gouvernement, visiblement embarrassé par ce nouveau casse-tête  qu’il a pourtant lui-même créé de toutes pièces. Pas besoin de sonder les reins et les coeurs pour savoir que quelques ministres salivent à l’idée d’une manne financière qui tomberait du ciel et réduirait le déficit budgétaire. Ils oublient que, l’an dernier, l’État est intervenu pour faire baisser artificiellement les prix des carburants.  Mais François Hollande, conscient de son impopularité actuelle, hésite à entériner une nouvelle taxe qui ne le rendrait pas plus sympathique à ses concitoyens. On espère pour lui qu’il aura su remettre le sujet dans un contexte plus général. Il nous semblait que l’industrie automobile française est en crise, qu’elle a tendance à délocaliser ses usines, qu’elle licencie à tours de bras. Et qu’est-ce qu’on trouve pour la renforcer ? Une taxe qui augmenterait sensiblement le budget automobile des propriétaires de véhicules diesel.

Alors, pas de taxe ? La justice, mais existe-t-elle encore ?, voudrait que le filtre à particules soit généralisé à tous les véhicules, les vieux comme les neufs, et que, si on veut désintoxiquer les drogués du diesel, on augmente les taxes sur le gazole progressivement tout en diminuant dans la même proportion les prélèvements sur l’essence. Certes, l’État n’y gagnerait rien, en cette période douloureuse où il cherche désespérément de l’argent. Mais on ne gère pas un pays au coup par coup. On ne cesse de nous ressasser l’idée d’une fiscalité écologique. Elle ne peut être instituée que si elle s’insère dans la fiscalité générale et que si elle n’augmente pas, encore une fois, le montant total des prélèvements obligatoires qui a dépassé le seuil de la tolérance.

RICHARD LISCIA

 

 

 

 

 

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Une réponse à On se noie dans le gazole

  1. Lefrançois Jérôme dit :

    Cela fait très longtemps que l’on sait que le gazole est très nocif, mais de puissants lobbies (par exemple fabricants de moteurs diesel…) ont exercé leur influence pour cacher les informations et favoriser, en France, la vente de ces moteurs.
    Techniquement, les moteurs à essence ont fait beaucoup de progrès récemment, et, non seulement polluent beaucoup moins que les diesel, mais ils deviennent souvent proches, dans leurs performances (par exemple un couple important, et aussi une faible consommation), de ces derniers.
    Pour le moins, il est logique de supprimer le déséquilibre fiscal entre l’essence et le diesel, et de favoriser le remplacement de tous les vieux moteurs diesel extrêmement polluants.C’est un problème de santé (publique) pour l’humain et de santé pour la planète, elle aussi bien malade. Même si il reste encore d’autres réformes urgentes à lancer concernant la pollution environnementale, il est justifié d’agir aussi à ce niveau de sources de pollution.

    Dr Jérôme Lefrançois

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