Une grève contre la modernité

Thibault, chef de la CGT
(Photo AFP)

Sur un mot d’ordre de la CGT et de FO, une grève a lieu aujourd’hui contre l’accord entre le patronat et d’autres syndicats qui réforme le Code du travail. Un projet de loi qui sera présenté demain en Conseil des ministres, doit concrétiser cet accord. Le président de la République souhaite que le texte législatif corresponde au plus près à celui qui a été mis au point par les partenaires sociaux.

LE TEXTE prévoit une série d’avantages accordés aux salariés (droits rechargeables à l’assurance-chômage, représentations des travailleurs dans les conseils d’administration, mutuelle garantie pour tous) en échange d’une plus grande flexibilité pour les employeurs (réforme des licenciements économiques, temps de travail modulé en fonction des commandes, baisse de salaires ou chômage technique en cas de difficultés de l’entreprise).  Il a été approuvé notamment par la CFDT, rejeté violemment par CGT et Force ouvrière.

Ce n’est pas la panacée.

Il adapte la situation sociale française aux temps difficiles qu’elles traverse et, s’il est appliqué honnêtement par les entreprises, il devrait se traduire par une diminution des licenciements économiques. On en a vu un exemple éclatant à Amiens ou les salariés de l’usine de pneus Dunlop ont accepté ce donnant-donnant et sont toujours au travail, pendant que l’usine Goodyear d’en face prépare sa fermeture, parce que, justement les ouvriers ont rejeté toute flexibilité pendant des années. Il ne faut pas croire que la flexi/sécurité est la panacée. Elle n’empêche pas toujours les licenciements; elle expose les travailleurs à des horaires, comme les trois/huit, fatigants et nuisibles à la vie personnelle ; elle peut se traduire par plus de travail pour moins de salaire.

Elle n’en a pas moins été appliquée avec succès dans d’autres pays européens, notamment au Danemark, dont l’expérience a été étudiée minutieusement par les meilleurs spécialistes français. Les ouvriers danois n’en sont pas pour autant les plus heureux du monde, mais le chômage a diminué dans leur pays. L’hostilité de la CGT et de FO à ce système vient des inconvénients que nous mentionnons ci-dessus, mais elle obère un fait essentiel : le maintien de l’emploi dans de très nombreux cas qui permet de passer le cap d’une crise et d’embaucher s’il y a une reprise économique. En d’autres termes, la CGT et FO, qui dénoncent le « démantèlement du Code du travail », raisonnent comme si la France était dans une situation de plein emploi.

Danger politique.

La tactique des deux syndicats s’appuie sur la dégradation du climat politique : existe-t-il la moindre chance que le gouvernement renonce à la réforme du travail ? Le président de la République et son Premier ministre ne bénéficient pas de la meilleure conjoncture pour engager un changement aussi large. La grogne sociale est à son comble, MM. Hollande et Ayrault sont devenus très impopulaires selon les sondages d’opinion, et la déception est si forte parmi ceux qui ont voté Hollande l’an dernier que le PS lui-même est divisé et que le pouvoir subit tous les jours les tirs des mélenchonistes et des communistes. L’Italie, en outre, a montré lors de ses élections législatives, que le mécontentement social peut conduire à un séisme politique.

Cependant, si l’on en juge pas la grève d’aujourd’hui, qui ne semble pas suivie par beaucoup de salariés, il est difficile de dire ce qui domine dans l’exaspération sociale, de l’agressivité ou de la résignation. Le gouvernement s’apprête à prendre de nouvelles mesures d’économies sur les dépenses publiques, sans se laisser influencer par son impopularité. Le chef de l’État, dans cette affaire, a d’abord souhaité que les partenaires sociaux concluent leur accord, à l’abri de l’influence du gouvernement. Maintenant il veut une loi qui corresponde au texte original, comme si le patronat et les syndicats avaient décidé de tout et les pouvoirs publics, de rien. Mais la grève de FO et de la CGT s’adresse directement au président.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Une grève contre la modernité

  1. Mermet dit :

    Grève d’un autre temps avec deux têtes de manif des années 90. Quand aura-t-on en France des syndicats responsables?

  2. Letellier dit :

    Si l’honnêteté de l’entreprise existe, il serait légitime qu’elle fût transparente. Je suis très sensible à la réussite des entreprises dont le but essentiel est de bien protéger les travailleurs car les bénéfices sont le produit de tous. Les syndicats doivent exiger la transparence des comptes et l’honnête patron répondra présent. Un syndicalisme honnête et fortement représentatif est indispensable à la marche citoyenne de notre pays. Ceux qui ont voté Hollande, comme moi, ne croyaient pas au père Noël et savaient les difficultés à venir. Le Père Noël est mort depuis un bon moment à droite comme à gauche. Marchons avec prudence! Ceux qui ont des remèdes miracles à cette crise doivent les annoncer. L’argent que l’on réclame aux classe moyennes ne doit être que patriotique, donc utile. S’il est gaspillé par des dépenses publiques croissantes, nous aurions de quoi nous interroger.

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