Le vertige du vide

Ayrault a su répliquer à Copé
(Photo AFP)

Le gouvernement a passé hier sa plus mauvaise journée de ce début de quinquennat : le dépôt d’une motion de censure par l’UMP, la démission de Jérôme Cahuzac et la mort probable d’un otage du Sahel que des islamistes auraient assassiné sont autant de revers pour lui, même si la censure a été rejetée par l’Assemblée et même si le Premier ministre a fait bonne figure quand il a répliqué au discours de Jean-François Copé.

LE PRÉSIDENT DE L’UMP n’a pas failli non plus, qui s’est livré à une attaque argumentée contre la politique économique et financière du gouvernement et a proposé à la majorité d’adopter le principe d’un « Big Bang » capable de remettre la France sur les rails de la production. On s’est demandé, non sans perplexité, à quoi servait cette motion de censure vouée à l’échec. Elle a au moins offert une alternative, certes générale et imprécise, au matraquage fiscal. Elle a proposé, en gros, une politique de l’offre, c’est-à-dire une remise en selle de l’industrie par la production plutôt que par la consommation.

Chacun sait cependant que le pouvoir s’achemine vers cette solution et qu’il s’apprête à réduire les dépenses publiques tout en favorisant la compétitivité des entreprises. Mais il a perdu du temps, il a commis l’erreur, au nom des promesses électorales et de ses propres dogmes, de s’engager l’année dernière dans une série de nouvelles dépenses. Il a épuisé toutes les recettes du keynésianisme avant de réaliser qu’il était dépassé par la crise.

Le retour inévitable de l’hyperprésident.

« Je sais où je vais », a déclaré Jean-Marc Ayrault à une opposition incrédule. Le Premier ministre peut réaffirmer verbalement son autorité, il ne saurait ignorer que ses ministres tirent le char de l’État dans des directions différentes, annoncent des décisions qui ne sont pas encore prises (et parfois sont retirées parce que l’opinion les rejette) et cultivent moins la cohésion gouvernementale qu’ils ne tentent d’appliquer leurs idées personnelles. Qu’y a-t-il de commun entre les idées d’Arnaud Montebourg et la prudente gestion de Pierre Moscovici, patron de Bercy qui ne contrôle pas le ministre du Redressement productif, ou entre les déclarations martiales de Manuel Valls et l’indulgence de Christiane Taubira pour les délinquants ?

On susurrait récemment que le président de la République devait montrer sa force en limogeant au moins un ministre. La démission, forcée ou non, de Jérôme Cahuzac, résulte bien plus d’une soudaine nécessité politique que d’un geste souverain du président, qui regrettera son ministre du Budget. Toute la question porte en réalité sur la prestation de M. Ayrault, homme en tous points estimable mais qui a si mal tenu ses troupes que M. Hollande a été contraint de concentrer à l’Élysée toutes les décisions. Voulu par Lionel Jospin et accepté par Jacques Chirac, le quinquennat a accéléré le temps politique. La coïncidence entre les élections présidentielle et législatives a créé « l’hyperprésident », statut qui convenait au tempérament léonin de Nicolas Sarkozy, mais dans lequel le président « normal » ne souhaitait pas se mouler.

Ayrault en question.

Voilà que François Hollande est obligé de décider de tout. La question ne porte plus sur la nécessité d’un remaniement gouvernemental en profondeur, avec changement du Premier ministre, mais sur sa date. Si l’on en juge par le caractère de M. Hollande, qui  n’aimerait guère se séparer d’un homme aussi intègre et loyal que M. Ayrault, il attendra le résultat des municipales, qui ne devrait pas être favorable à la majorité, encore que l’UMP ne semble pas bénéficier de la désaffection de l’électorat pour la gauche et qu’une percée du Front national soit probable.

À quoi s’ajoutent les tirs incessants de la gauche mélenchoniste contre le pouvoir. Ils ont pour effet d’apporter à l’opinion un fallacieux espoir. Ce matin encore, Jean-Luc Mélenchon envisageait la sortie de la France de l’euro, ce qu’il n’avait pas dit pendant la campagne de l’an dernier. Devant tant de menaces, il n’y a pas une minute à perdre. Le Premier ministre doit cesser de répéter qu’il s’apprête à prendre des mesures courageuses. Qu’il les prenne ! Le chef de l’État doit cesser de rechercher un compromis entre la protection sociale et la réduction de la dépense publique. L’un et l’autre seront jugés sur des résultats à long terme qui viendront de mesures à prendre ici et maintenant.

RICHARD LISCIA 

 

 

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