Haro sur Mosco

Moscovici : la curée
(Photo AFP)

Si Pierre Moscovici est attaqué aussi rudement par la droite, c’est parce que le chef de l’État, à l’occasion de l’annonce de ses mesures « répressives », a mis tous les partis dans le même sac, alors que la crise Cahuzac, jusqu’à preuve du contraire, ne concerne que le parti socialiste. Du coup, la droite veut pousser François Hollande à procéder à un remaniement, décision qui serait assez grave pour donner la mesure de l’affaiblissement et du désarroi du pouvoir.

 

PIERRE MOSCOVICI mérite-t-il l’hallali dont il fait l’objet ? Il a été attaqué d’abord par le Front de gauche en des termes plus que douteux. Le voilà maintenant contraint à  prononcer des dénégations multiples face à une droite parlementaire qui lui demande des comptes avec d’autant plus de hargne que ses explications ne sont pas convaincantes. Il n’aurait pas conduit d’enquête parallèle à celle de la justice dans l’affaire Cahuzac ; il ne savait pas, en décembre dernier, quand Mediapart a publié ses révélations sur M. Cahuzac, que le ministre du Budget possédait un compte à l’étranger ; il s’est contenté de demander aux autorités bancaires suisses ce qu’il en était et il a reçu une information selon laquelle M. Cahuzac n’avait pas de compte, mais cette lettre n’a jamais été publiée, alors que le gouvernement, aujourd’hui, veut imposer la transparence à tous les élus.

Lassitude.

L’opinion publique est lasse : elle ne croit pas à l’efficacité des mesures annoncées par le président ; elle estime qu’il ferait mieux de s’occuper de l’emploi et du pouvoir d’achat ; elle a beaucoup de mal à nier son intégrité à M. Moscovici, mais elle a été échaudée par l’énorme mensonge de M. Cahuzac et jure qu’on ne l’y reprendra plus. Les présidents UMP de la commission des finances de l’Assemblée et de celle du Sénat, MM. Carrez et Marini, se sont rendus hier à Bercy. Ils n’ont pas trouvé de trace secrète d’une enquête des services du ministère, mais ils continuent à croire qu’il y a encore trop de zones d’ombre dans l’affaire.

Les rumeurs de toutes sortes courent dans Paris. Les services de l’armée auraient enquêté sur M. Cahuzac, auraient découvert ses avoirs à l’étranger et auraient révélé l’information pour le discréditer parce qu’il s’apprêtait à réduire le budget de la Défense. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, aurait été au courant des agissements de son collègue, ce qu’il nie vigoureusement en excipant de la séparation des pouvoirs politique et judiciaire. Bref, les membres du gouvernement, Jean-Marc Ayrault compris, passent le plus clair de leur temps à se justifier.

Panique.

Le climat est donc resté épouvantable, en dépit des efforts de M. Hollande pour donner un coup d’arrêt à une dérive qui menace la stabilité du pays, les institutions et même la démocratie. Pour étouffer les flammes, il fallait un souffle beaucoup plus puissant que des décisions contenant des arrière-pensées politiciennes. Pour ma part, je ne souhaite pas que l’on en vienne à un remède pire que le mal, comme un remaniement gouvernemental qui différerait l’action économique et sociale du pouvoir. Mais si, un à un, les ministres tombent sous la poussée du scandale, ce remaniement deviendra inévitable.

François Bayrou milite pour un référendum. Le président a raison de dire que le peuple ne répond jamais à la question, qu’il vote pour d’autres raisons que la crise qui a donné naissance à la procédure référendaire. Il n’empêche que, dans cette affaire, le gouvernement a raté complètement sa communication et n’a pas su prendre des décisions convaincantes. Pendant toute la semaine, la panique a régné dans les coulisses du pouvoir, elle règne encore. Le pays, déjà épuisé par la crise économique, ne sait plus à quel saint se vouer.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à Haro sur Mosco

  1. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Bravo encore pour votre analyse.

    L’impression que je ressens, à la fois sur des critères objectifs, et de façon plus subjective, est celle d’une atmosphère de fin de règne, de fin de société, de déliquescence, de pré-révolution, avec tout ce que ceci sous-entend de troubles, de « sueur-sang-et larmes » à venir, dans un avenir qui se rapproche.
    Le nouveau pouvoir, sorti des urnes sur un cumul d’illusions, de promesses fallacieuses et de mensonges, avec un passé d’utopies assorties de dogmes, sans vision d’avenir, est incapable de la moindre action efficace, en dehors du mariage homosexuel et de quelques autres réflexions « de société » qui sont à des années-lumières des préoccupations de nous, les Français de terrain.
    Probablement que les bobos du microcosme socialo-intellectuel continuent de se masturber les neurones avec les « profondes réformes » du pouvoir en place, lors de leurs dîners mondains.
    Ce microcosme ne suffira pas (ni en compétences, ni en nombre, ni en force de travail) à sortir le pays de l’ornière qui se creuse rapidement et dangereusement en gouffre.
    Dr Jérôme Lefrançois

  2. letellier dit :

    Dans cette période de crise, mieux vaudrait que le calme revienne et l’opposition gagnerait en honneur à ne pas trop charger de tous les vices le gouvernement. Oui, l’anti-sarkosysme fut extrêmement virulent et la droite se venge mais ne grimpe pas pour autant dans l’esprit de l’opinion. Personne ne croit au père Noël depuis bien du temps. Un profil bas et une application à soigner la crise économique seraient les bienvenus. Arrêtez le massacre de la France et dépêchez vous de parler vrai remède car nous en avons assez des politiques politiciennes. Nous ne réclamons pas des polémiques mais des solutions économiques. Comme au théâtre, jouez le rôle du gentil souffleur. Mais c’est trop vous demander peut-être. Richard Liscia ne s’y trompe pas dans son article. Écoutez-nous! La récré est finie!! Sauvez la France!! Aidez les gouvernants et la justice chassera les sorcières.Les enquêtes suivront leur cours.

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