Cahuzac veut encore compter

Encore combatif
(Photo S.Toubon)

Jérôme Cahuzac s’est livré, hier soir sur BFM TV, à une opération qui, tout en semblant signer la fin de sa carrière politique, laisse la porte ouverte à un retour lointain, au-delà du sombre horizon judiciaire qu’il aperçoit. Bien qu’il ne cherche pas des excuses à ses mensonges, il a une façon de se confesser qui ménage son propre personnage.

L’ANCIEN MINISTRE du Budget renonce à réoccuper son siège à l’Assemblée nationale, bien que rien, sinon la morale la plus élémentaire, ne le lui interdise. Le spectacle d’un Cahuzac arrivant dans une enceinte glacée d’effroi et de silence aurait été insupportable pour les élus et leurs électeurs. Il admet que son retour en politique est « infiniment peu probable », manière de dire qu’il ne faut pas tout à fait l’exclure. Cette bataille désespérée dans le dernier retranchement, cette garde qui meurt mais ne se rend pas aurait quelque chose de pathétique si elle ne montrait toute l’indulgence que, au fond de lui-même, M. Cahuzac s’accorde à lui-même. En définitive, il renonce à ses droits pour, affirme-t-il, conserver l’amitié d’hommes et de femmes politiques qui, bien qu’ils le jugent très négativement, ne souhaiteraient pas rompre avec lui tous les liens.

Hollande « piégé ».

Ce qui est mort en Cahuzac, c’est la perspective d’une réhabilitation, fût-elle lointaine. Ce qui demeure en lui, c’est la conviction qu’il sait tout faire brillamment et même, un jour, se sortir de ce mauvais pas. Sa morgue indéracinable, on la retrouve dans une partie de sa déclaration à la fois dangereuse et irresponsable. Au sujet du président Hollande, il dit  : « J’ignore quel était son degré de connaissance de cette affaire ». Phrase énorme qui risque d’accabler le président et qu’il corrige aussitôt, mais sans effacer le malaise qu’elle engendre : « Ce que je veux dire, c’est qu’à lui comme au Premier ministre, comme à Pierre Moscovici, je n’ai pas dit la vérité. À eux aussi, j’ai menti. »

La ministre de la Culture, Aurélie Filipetti, estime que Cahuzac a piégé le président. Jean-Marc Ayrault, réfute l’idée que M. Hollande ait soupçonné son ministre ou nourri des doutes à son sujet. Le résultat, c’est que le gouvernement va traîner le ministre déchu comme un boulet, d’autant que la phase judiciaire de l’affaire sera longue et donnera lieu à de nouvelles controverses, peut-être à de nouvelles révélations. Pour la majorité déjà très chahutée par une actualité sinistre, cet homme est une bombe à retardement. D’autant que la gravité de son cas, sa réputation entachée, sa mise au pilori réactivent son instinct de survie. Après lui, le déluge. Le pouvoir n’avait vraiment pas besoin de cette affaire.

Jérôme Cahuzac a déjà payé très cher son mensonge. On souhaiterait donc qu’il laisse la justice enquêter sur les accusations dont il fait l’objet dans une discrétion absolue. Mais dans cet univers de la transparence créé conjointement par les élus et les médias, les rebondissements du feuilleton sont innombrables. Au terme de chaque épisode, le public attend la suite. Cette psychologie de masse si particulière donne à Cahuzac le seul moyen de défense qui lui reste, maintenant qu’il ne peut plus cacher ses agissements. Le sens moral, la pudeur ou l’embarras ne suffisent plus à fermer la porte sur un scandale. Les acteurs du drame sont nécessairement des héros. Il est vrai que, si Phèdre n’inspirait que de l’aversion, il n’y aurait jamais eu de théâtre tragique.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Cahuzac veut encore compter

  1. Pierre Marie Girardot dit :

    Combien de personnes qui ont commis des délits ont-elle passé de longues années « au purgatoire ». Le « purgatoire » est justement cela : un temps pour purger une peine dans l’oubli et la recherche d’une réhabilitation personnelle. Tout homme a droit à cette perspective, sinon on lui refuse la qualité d’être humain et on l’enferme dans son erreur.
    Mais il faut un temps et du temps pour cela.
    Prenez patience, M. Cahuzac.
    Ne pensez pas que votre « confession » publique efface tout, et on recommence.
    Je ne sais pas ce que vous savez ce qu’est une vraie confession (je veux bien sûr parler de ce sacrement si mal connu et injustement décrié), mais vous devriez apprendre un peu du sens authentique de cette façon de relire sa propre conscience.
    Personne n’a le droit de condamner définitivement (et encore !) hors le contexte humain de la justice (pourtant si faillible). Certes, mais ce n’est pas :  » on efface tout et on recommence, comme avant « .

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