L’école pacificatrice

Peillon : un bon projet
(Photo AFP)

Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, va parfois un peu vite en besogne, mais sa décision de créer un enseignement de « morale laïque » du cours primaire à la terminale est excellente. L’idée n’est  pas neuve. Il s’agit de retourner à ce que l’on appelait autrefois l’éducation civique et morale. Elle semble particulièrement utile en ces temps de dégradation avancée du civisme. 

TRENTE-SIX HEURES PAR AN seront consacrées à l’enseignement de la nouvelle discipline qui ne commencera qu’en 2015. Bien entendu, le projet n’est pas simple, ne serait-ce que parce qu’il va demander un nouvel effort aux enseignants, déjà très sollicités, et que, comme n’importe quel projet, il a ses détracteurs, notamment ceux qui estiment qu’il renforce l’emprise de l’État sur la famille ou, comme Luc Chatel, qu’il s’inspire du pétainisme, ce qui nous semble exagéré. On souhaite en tout cas que cet enseignement se passe sous la forme d’un dialogue avec les élèves, qui aiment s’exprimer sur des sujets généraux et qui s’attacheront d’autant plus aux valeurs enseignées qu’ils auront le sentiment de les découvrir en y réfléchissant. Nombre de professeurs signalent qu’ils n’ont pas attendu M. Peillon pour enseigner le civisme et la morale, mais une discipline encadrée et universelle sera plus efficace.

Empêcher le rejet de la démocratie.

Elle devient en effet de plus en plus nécessaire dans ces zones de France dites sensibles. Et les cours seront d’autant plus utiles qu’ils s’adresseront à de jeunes enfants, longtemps avant qu’ils ne soient corrompus par l’atmosphère délétère de leur quartier. Les enfants ne sont jamais contre l’ordre établi. Ils aiment apprendre qu’il n’existe pas par hasard, qu’il correspond à des règles sociales, qu’il propose une harmonie. Si, plus tard, ils affrontent le monde qui les entoure avec des idées bien à eux, peut-être ne se laisseront-ils pas contaminer par le vice et par la violence.

Certes, les cours de morale laïque, tels que M. Peillon les envisage, risquent de heurter de front des convictions religieuses et d’entraîner une réaction de rejet. Mais la République ne peut pas faire autrement que de se hisser au-dessus des confessions si elle veut reconquérir ceux qu’elle n’a pas réussi à intégrer. L’éducation civique demeure le meilleur instrument pour empêcher l’injuste rejet de la démocratie auquel on assiste en France, au nom de la pauvreté, ou de la religion, ou encore de la distance entre ce que dit le pouvoir politique et la réalité vécue dans les zones de non-droit. De ce point de vue, la morale laïque ne suffira pas à régler le problème de l’intégration, il ne sera que l’une des composantes de la solution. Mais elle est indispensable. Il faut que chaque enfant du pays sache qu’il a le choix.

La plupart d’entre nous, adultes, sommes à des degrés divers des produits de l’école républicaine et laïque. Il nous appartient de compléter l’enseignement des professeurs en proposant l’exemple que chacun de nous représente ; d’expliquer que, si nous occupons une place dans la société, c’est très précisément parce que l’école publique ne fait aucune distinction de race ou de religion et s’efforce de donner la même chance à chaque enfant. Il est exact qu’elle n’a pas, à ce jour, effacé toutes les inégalités, que les enfants de cadres supérieurs réussissent mieux que ceux des ouvriers, qu’un système élitiste avantage encore la progéniture des familles les plus aisées. Il n’empêche qu’on conquerra les âmes et les coeurs en s’adressant directement aux cerveaux en cours de formation. Et pas quand il sera trop tard, quand ils auront cédé à l’appel de la jungle.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à L’école pacificatrice

  1. woznica dit :

    La France n’ a pas réussi à intégrer, dites- vous. Non, ce sont les immigrés qui ne veulent pas s’intégrer. Je fais partie d’une famille qui n’ a pas voulu devenir vraîment française. On ne peut vivre dans un pays en voulant rester un étranger. Voilà le problème.

  2. Très bien cette idée de tuteur en début de croissance. Le problème, c’est après …
    Naît-on honnête ou le devient-on ? Il est intéressant de comparer certains éléments d’une même fratrie, ayant reçu des éducations familiale et scolaire identiques.
    Question d’un enfant : « Tu m’apprends qu’il ne faut pas tuer son prochain; alors pourquoi y a-t-il des défilés militaires, avec plein d’engins faits pour anéantir l’autre ? »
    Réponse de l’adulte ?
    Parce que les grandes déclarations, c’est bien gentil; encore faut-il que les actes suivent, sinon aucun éducateur (de tout genre) n’est vraiment crédible.
    Ah oui, l’exemplarité ?
    Joli mercredi.
    .

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