Joli mois de mai

 

Un brin de muguet
(Photo AFP)

Cette année, la quasi-totalité du mois de mai aura été chômée. C’est un hasard du calendrier qui a fait tomber les 1er et 8 mai un mercredi. Le gouvernement, les entreprises, les particuliers auraient pu penser que le hasard ne leur offrait, comme d’habitude, que deux jours fériés supplémentaires. C’eût été ignorer la fameuse notion de pont. Résultat : un mercredi, c’est une semaine.

L’ASCENSION, aujourd’hui 9 mai, aura emporté tous les scrupules. Ajoutez quelques jours de RTT à deux week ends dans la même semaine et vous aurez pratiquement, et à peu de frais, une deuxième vacance de Pâques après celle, réglementaire, que nous avons eue en mars-avril. On ne peut pas dire que la France ait abordé son deuxième trimestre avec la rage de travailler. Moi qui suis un peu distrait, je n’ai pas vu venir le coup. Je n’ai pas trouvé mes abonnements aux journaux dans ma boîte aux lettres. Je n’ai pas obtenu un rendez-vous avec mon médecin. Ma banque était fermée quand j’y suis allé pour retirer un carnet de chèques. Mon supermarché n’ouvrait ses portes que le matin. Radios et télévision n’évoquaient plus que des faits-divers à l’étranger et les inondations provoquées par la crue de la Seine. On n’y parlait plus de politique, mais le répit était le bienvenu.

Les avantages du farniente.

Je fais peut-être de l’économie au petit pied, mais il me semble que si les actifs travaillent aussi peu que les chômeurs, pendant deux ou trois semaines, la production intérieure brute (PIB) va en souffrir. J’ai entendu sur les ondes que mai nous aura coûté deux milliards, ce qui ne représente que 0,1 % du PIB annuel. Je ne sais pas comment on calcule, mais je continue à croire que, décidément, il y a beaucoup trop de jours chômés pendant l’année.

Cette étrange tradition, poussée à l’extrême, de fêter un peu tout et n’importe quoi traduit-elle le besoin du peuple d’oublier ses angoisses ? Contribue-t-elle au contraire à ce qu’on appelle un peu vite le « déclin » français ? Je ne nie pas les avantages nombreux du farniente : une circulation de rêve, un silence reposant, un rythme de vie propice à la lecture. Mais le mouvement est universel qui contraint les plus stakhanovistes d’entre nous à cesser sur le champ leurs activités. Je n’ai pas profité de la fluidité du trafic routier parce que je ne me suis pas servi de ma voiture. Je n’ai pas compensé le vide des médias en exprimant plus souvent mes idées. Je n’ai même pas pu me rendre à mon bureau car il était fermé.

Bien avant Mario Monti, l’Italie avait réformé son calendrier de jours fériés officiels en supprimant plusieurs jours de congé. Le pays le plus hédoniste d’Europe nous a donné une leçon que nous avons superbement ignorée. Jean-Pierre Raffarin a bien tenté de supprimer la Pentecôte, mais la force de l’inertie que lui ont opposée 60 millions de Français fait que la mesure n’est jamais entrée réellement en vigueur. Les entreprises ont préféré payer la journée sans obliger leur personnel à travailler. Comme par hasard, le pays qui s’active le moins est aussi celui qui se plaint le plus. Le peuple le plus pessimiste sur son avenir est celui qui s’offre le présent le moins laborieux. La société la plus furieuse contre l’adversité, le chômage et la crise est celle qui fait le plus souvent la grasse matinée.

RICHARD LISCIA

 

 

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2 réponses à Joli mois de mai

  1. helene dit :

    Bravo! pour cette présentation pleine d’un humour nécessaire pour supporter les méfaits de ce « joli mois de mai ».C’est un plaisir de lire vos analyses toujours si bien argumentées.

  2. Chambouleyron dit :

    Cher M. Liscia vous riez jaune. Vous avez raison. On agite l’humour à tout va. L’humour, tel que vous le pratiquez, c’est se moquer de soi. Pas des autres, comme semble le croire la plupart des amuseurs qui grouillent sur les médias et qui « en se fendant la gueule ne se rendent pas compte qu’ils abîment leurs propre visage » (Bruno Frappat à propos du papus interruptus de Libé)

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