La répression fiscale va s’intensifier


Arfi et Plenel témoignent
(Photo AFP)

Une commission d’enquête parlementaire sur  l’action du gouvernement pendant l’affaire Cahuzac a déjà interrogé les deux auteurs du scoop de Mediapart, Fabrice Arfi et Edwy Plenel ; elle s’apprête à entendre plusieurs ministres dont Pierre Moscovici, Christiane Taubira et Manuel Valls. Le gouvernement, accusé de laxisme au sujet du compte en banque à l’étranger de Jérôme Cahuzac, s’apprête à intensifier la lutte contre l’évasion fiscale, qui pourrait valoir jusqu’à plusieurs années de prison ferme aux contrevenants.

SELON EDWY PLENEL, fondateur de Mediapart, la police a été incitée par le ministère du Budget à écouter ses conversations téléphoniques avec ses sources, dès le 11 novembre 2012, alors que la révélation de l’affaire Cahuzac date du 4 décembre. Les déclarations des journalistes de Mediapart tendent à montrer que le premier réflexe du gouvernement  a consisté à étouffer l’affaire. « Je ne dis pas que Pierre Moscovici (le ministre de l’Économie) a menti, ajoute M. Plenel, je dis qu’il a mal travaillé ». À quoi Fabrice Arfi, son enquêteur, ajoute une question : comment se fait-il que le gouvernement ait reçu une réponse négative (sur l’existence du compte Cahuzac) alors que la justice en a obtenu une qui était positive ?

Moscovici sur la sellette.

M. Plenel pose plus largement le problème du fonctionnement de la démocratie en France. Il est probable que le gouvernement a réagi sous l’empire de la panique et que, au lieu, de prendre immédiatement ses distances à l’égard de M. Cahuzac, il a tenté de le maintenir à son poste parce que, à l’époque, il était considéré comme l’un des ministres les plus efficaces, surtout dans la lourde tâche d’équilibrer les comptes publics. Des ministres qui seront interrogés par la commission, le plus embarrassé sera M. Moscovici qui s’est appuyé sur la réponse de la Suisse (à la question sans doute pas assez claire qu’il lui avait posée) pour enterrer l’affaire prématurément; il est rattrapé par elle au moment où François Hollande affirme qu’il n’est pas question de procéder à un remaniement gouvernemental. S’il apparaît que le ministre de l’Économie n’a pas agi avec toute l’objectivité requise, pourra-t-il se maintenir à son poste ?

Les pouvoirs publics réagissent en annonçant qu’ils vont renforcer la répression contre l’évasion fiscale, ce qui sera approuvé par la majorité des Français, mais risque aussi de tourner à l’inquisition. Le précédent, l’obligation pour tous les ministres, les élus et les personnalités du monde économique, de publier leur patrimoine, a donné lieu pourtant à de vives critiques. Car ce qui compte, c’est moins le patrimoine que l’enrichissement pendant les années du mandat confié à un élu. Le public, en outre, n’a pas, dans sa majorité,  le réflexe malsain du voyeur. Il lui suffirait de savoir que le gouvernement se donne les moyens efficaces de débusquer l’évasion fiscale et de la réprimer. D’autant que, en ces temps difficiles, les foyers aisés mais honnêtes paient des impôts substantiels pendant que des particuliers ou des entreprises infiniment plus riches échappent à l’impôt.

Une pause ?

Le discrédit moral, l’accusation d’incivisme, la menace de sanctions judiciaires plus lourdes n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à faire reculer le phénomène. La hausse des impôts de 2012, la suppression du bouclier fiscal, le fait, révélé il y a deux jours, que 8000 ménages ont payé au fisc l’an dernier plus de 100 % de leurs revenus, injustice scandaleuse, constituent autant d’encouragements à l’exil ou au transfert de certaines fortunes à l’étranger. Un système d’imposition réformé et plus juste est difficile à mettre en oeuvre, de même qu’une répression aveugle. Le matraquage fiscal, en revanche, est plus facile à appliquer et, bien entendu, le gouvernement, l’année dernière, n’a pas résisté à la tentation. Le président de la République, lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, a annoncé qu’il ferait une pause fiscale en 2013. On demande à voir.

RICHARD LISCIA

 

 

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