Tapie : affaire complexe

Christine Lagarde
(Photo AFP)

À la suite de la décision d’un tribunal d’arbitrage composé de trois juristes, Bernard Tapie a reçu de l’État la somme de 403 millions d’euros, en dédommagement de la vente de la société Adidas au Crédit Lyonnais, qui, selon M. Tapie, l’aurait lésé. C’est Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, qui a entériné l’arbitrage, ce qui lui a valu d’être convoquée la semaine dernière par la Cour de Justice de la République (CJR), laquelle l’a placée sous le statut de témoin assisté.

CE FUT UN SOULAGEMENT pour la directrice du Fonds monétaire international (FMI), qui risquait d’être mise en examen. On pouvait donc penser que l’affaire Tapie allait se tasser. Il n’en est rien : l’un des trois hommes qui composaient le tribunal d’arbitrage, Pierre Estoup, a été mis en examen hier parce qu’il aurait omis d’indiquer qu’il était l’ami de Bernard Tapie, ce qui entacherait son jugement. L’avocat de M. Tapie, Maurice Lantourne, a été placé en garde à vue. Cela montre que la justice est décidée à aller au fond de cette affaire. Même si la CJR n’a pas mis Mme Lagarde en examen, elle l’interrogée pendant deux jours pour un total de 24 heures.  Si l’ancienne ministre semble n’avoir pas failli aux règles du droit et de l’éthique, elle pourrait avoir été dupée par au moins l’un des trois hommes qui ont prononcé l’arbitrage et par l’avocat de M. Tapie.

Au passif de Sarkozy.

Cette analyse diverge du point de vue de ceux qui ont soutenu l’arbitrage en faisant valoir que, livrée à la justice,  l’affaire Tapie aurait coûté beaucoup plus cher à l’État. Ce qui expliquerait que Mme Lagarde voyait dans l’arbitrage une façon d’économiser de l’argent sur les indemnités qu’il fallait verser à Bernard Tapie, auquel rien ne la liait. Bien qu’il se garde d’intervenir dans le cours de la justice, le gouvernement ne souhaite pas, par ailleurs, que Christine Lagarde soit placée dans une situation juridiquement délicate, même si elle est une ancienne ministre de Nicolas Sarkozy. Elle représente la France au FMI au moment où Pascal Lamy va quitter la direction de l’Organisation mondiale du commerce au profit d’un Brésilien et sa démission éventuelle priverait la France d’un poste prestigieux.

Nombreux sont les commentateurs qui, lorsque Mme Lagarde fut pressentie pour le FMI, prévoyaient qu’elle ne pourrait se maintenir dans ses nouvelles fonctions à cause du dossier Tapie. L’intéressée avait, à l’époque, exprimé sa confiance absolue dans l’intégrité de la procédure qu’elle avait choisie et dans la rectitude de sa démarche. Les 24 heures d’interrogatoires qu’elle vient de subir semblent indiquer que son optimisme était peut-être excessif, même si son statut de témoin assisté est de nature à la protéger contre de nouveaux déboires. Beaucoup de Français ont été indignés par le montant des sommes versées à M. Tapie, en pleine crise économique et financière. Cependant, la majeure partie de ces sommes a été consacrée au remboursement de ses dettes, notamment ses impayés fiscaux. L’État a donc repris d’une main une grosse fraction de ce qu’il lui avait donné de l’autre main.

On ne saurait écarter, en tout cas, les conséquences politiques de l’action de la justice et de la CJR. À travers les interrogatoires, les gardes à vue et les mises en examen, c’est toute la gestion de Nicolas Sarkozy qui est visée. Les magistrats concernés ne font que leur métier, mais cette affaire, comme toutes celles où le nom de M. Sarkozy est cité, est susceptible d’empêcher son retour à la vie politique. Pour être prêt à une candidature à la présidence en 2017, il aura beaucoup d’obstacles élevés à franchir.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Tapie : affaire complexe

  1. Eh oui, le site Mediapart ne lâche rien, que ce soit à droite ou à gauche, et c’est très bien pour notre démocratie.

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