La guerre de la calculette


Gilles Carrez
(Photo AFP)

Gilles Carrez, président UMP de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, estime qu’il manquera vingt milliards d’euros pour boucler le budget au niveau prévu. Il réclame un collectif budgétaire. Tollé à gauche et au gouvernement : Pierre Moscovici accuse M. Carrez de mentir et Jean-Marc Ayrault affirme que la dépense publique diminuera cette année de un milliard et demi, « ce qui n’a jamais été fait auparavant ».

SELON UN RAPPORT rédigé par des élus UMP et UDI, le déficit budgétaire devrait atteindre à la fin de l’année les 80 milliards au lieu des 61,6 milliards prévus par la loi de finances. L’information n’est pas en soi surprenante : le ralentissement de l’activité peut avoir entraîné une baisse des recettes fiscales, comme plusieurs journaux l’affirment depuis quelques jours. Le gouvernement, par les voix de Pierre Moscovici, puis de Jean-Marc Ayrault, a pourtant réagi avec virulence, d’abord en rappelant que le gouvernement précédent ne « tenait » pas les dépenses, ensuite en s’appuyant sur les lettres de cadrage qui partent cette semaine et ont pour objet de réduire la dépense publique.

Vingt milliards, c’est exagéré.

Dans le feu de la polémique (encore une), les socialistes ont néanmoins laissé percer leurs propres doutes sur la solidité de l’objectif budgétaire. Christian Eckert se contente de dire que « 20 milliards, c’est exagéré ». Faut-il en conclure qu’un déficit supplémentaire de 15 milliards serait plus près de la réalité ? Si l’idée de collectif budgétaire immédiat est écartée, M. Eckert, pour sa part,  pense que « nous avons un certain nombre de recettes qui ne sont pas assurées ». 

La controverse ne constitue, en l’occurrence, que le reflet artificiel d’une réalité plus profonde : le gouvernement enregistre des pertes de recettes parce que, entre 2012 et 2013, il a énormément augmenté les impôts, ce qui a réduit le pouvoir d’achat, donc la consommation, et l’a privé ainsi de recettes de TVA. L’autre aspect de sa politique, c’est la modestie de ses coupes budgétaires. La profondeur du déficit exigeait des coupes beaucoup plus larges dans la dépense de l’État, et il refuse de donner le coup de scalpel nécessaire, au nom de sa défense des ménages pauvres ou modestes, qu’il ne souhaite pas priver d’une partie du filet social.

L’enfer étant pavé des meilleures intentions, le pouvoir semble ne pas vouloir comprendre que la hausse de la pression fiscale est encore plus dommageable pour le pouvoir d’achat que la diminution des dépenses sociales. Et, pour défendre sa politique qui, de toute évidence, ne produit pas les résultats escomptés, il se livre une fois de plus à des attaques verbales contre l’opposition (Bruno Le Roux, chef de la majorité à l’Assemblée, déclare que la droite « a un problème de calculette » et rappelle que M. Carrez a fermé les yeux « sur 600 milliards de déficits »).

Ce sont 100 milliards qu’il faut trouver.

Non seulement le rappel répétitif de l’héritage n’est plus de circonstance, mais le gouvernement de M. Ayrault doit résoudre les problèmes de 2013, pas ceux de 2008 ou de 2009. On ne conquiert pas le pouvoir pour discréditer chaque jour ceux que l’on a vaincus, mais pour apporter des remèdes à une conjoncture néfaste. La question ne porte pas vraiment sur les milliards qui manquent, mais sur les raisons pour lesquelles les recettes ne sont pas au rendez-vous. La bonne façon d’affronter la crise, c’est de lutter contre le chômage par une baisse massive des charges pesant sur les salaires, par une hausse sensible de la TVA et par des coupes draconiennes dans la dépense publique. Ce n’est pas 1 milliard qu’il faut trouver, c’est 100. Voilà pourquoi nous risquons, après avoir obtenu un délai de deux ans pour le redressement de nos comptes, de ne pas y parvenir malgré ce délai. Voilà pourquoi le gouvernement doit réviser sa politique fiscale, économique et budgétaire. Voilà pourquoi le pays mérite mieux qu’une guerre de la calculette.

RICHARD LISCIA

 

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