Lorsque l’enfant paraît


L’attente a pris fin lundi soir
(Photo AFP)

Un futur roi est né à Londres, et la Grande-Bretagne est enthousiaste. Ce bonheur national peut nous paraître quelque peu démesuré, à nous républicains sceptiques, qui savons que la continuité d’une dynastie n’apporte aucun remède particulier à une société en crise, ce qu’est le Royaume-Uni, comme tous les pays européens. 

NOUS LE SAVONS d’autant mieux que la monarchie britannique a eu sa part de crises internes, de divorces en scandales, d’humiliations en sombres affaires, qui lui ont fait connaître les affres réservées habituellement aux roturiers. Il est vrai  que la reine Elizabeth a su tenir son rang en toute occasion, mais sa soeur et son fils n’ont pas toujours eu le comportement que les Britanniques attendaient d’eux. Jusqu’à la mort tragique de Diana, puis à l’annus horribilis dénoncé par la reine elle-même lors de son discours du trône. Ce choc entre la tradition et les vérités supérieures des sentiments a rappelé à la souveraine et à ses sujets que, pour être prince ou princesse, on n’en est pas moins homme ou femme. La monarchie s’est adaptée aux moeurs contemporaines, qui n’acceptent plus le carcan des bonnes manières si elles n’existent que pour étouffer les âmes.

Le ciment de l’unité.

Même en Grande-Bretagne, il y a des républicains qui, comme nous, se demandent à quoi sert une monarchie sinon à faire parler d’elle et à mettre sur un piédestal, à un coût élevé, des gens qui n’ont pour mérite que d’être bien nés. Il faut reconnaître, toutefois, que la reine et sa famille sont le ciment de l’unité du royaume, historiquement traversé par des courants séparatistes, par exemple celui de l’Écosse. C’est encore plus vrai de la Belgique, menacée de scission entre flamands et wallons et dont le roi, celui qui vient d’abdiquer pour laisser la place à son fils, a su maintenir l’unité contre un mouvement centrifuge très puissant.

Nous n’en sommes pas là, il n’y a aucune chance que la monarchie soit restaurée en France, mais la crise économique et sociale interminable qui frappe l’Europe est si désespérante que les peuples voudraient qu’on leur offre une alternative. Ils ne se reconnaissent plus dans la classe politique qui, droite et gauche confondues, leur donne le spectacle de son impuissance en prétendant maîtriser le dragon sans jamais le terrasser. Rois ou reines ne font pas mieux qu’eux, d’autant qu’ils n’ont pas le pouvoir d’agir. Mais la monarchie leur parle d’autre chose, les sort d’eux-mêmes, leur apporte un espoir proche de l’illusion : elle est, contre le malheur ou plutôt l’effroi qu’il inspire, le meilleur rempart. De ce point de vue, les Britanniques se conduisent de façon remarquable : ils oublient leurs soucis pour fêter l’événement le plus ordinaire, la naissance d’un enfant, parce qu’ils y voient le symbole du renouveau et de l’avenir.

Il faut au peuple britannique ce supplément d’âme, cette liturgie, cette célébration un peu irrationnelle qui exalte un mariage princier, un jubilé de la reine,  la naissance d’un prince, lequel ne sera pourtant roi que dans deux générations. La disproportion de la fête compense le contexte déprimant auquel les Anglais refusent de céder. Cette réaction vaut mieux en tout cas qu’une beuverie, éventualité que le simple bonheur d’applaudir le troisième prétendant au trône n’exclut d’ailleurs pas.

RICHARD LISCIA 

 

 

 

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Une réponse à Lorsque l’enfant paraît

  1. Nuit du 4 aôut 1789 en France : abolition des privilèges liés à la naissance nobiliaire.
    Cela a-t-il supprimé le népotisme ?

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