Les ricochets de l’affaire Cahuzac

Charles de Courson
(Photo AFP)

L’affaire Cahuzac est grave en elle-même, mais voilà qu’elle déclenche une crise au sein de la commission parlementaire chargée d’enquêter sur le rôle du gouvernement dans les protections dont l’ancien ministre du Budget aurait pu bénéficier. Un point pose problème : le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, a mentionné une réunion à l’Élysée le 16 janvier dernier que M. Cahuzac, pour sa part, prétend avoir oubliée.

DU COUP, Charles de Courson, le président UDI de la commission d’enquête, a réclamé l’audition du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Alain Claeys, rapporteur socialiste, s’y  est opposé, les huit membres de droite de la commission ont démissionné, ce qui va nuire à l’établissement de la vérité dans cette affaire et entretenir le doute dans l’opinion. Les leçons de l’incident sont multiples : il montre les limites d’une commission mixte droite-gauche censée travailler dans la sérénité et en définitive rattrapée par l’hostilité réciproque qui domine dans les rapports entre la majorité et l’opposition ; la gauche n’a pas voulu céder à une exigence de la droite qu’elle jugeait excessive au risque d’accroître l’opacité de l’affaire ; la droite, en se sabordant, se prive objectivement d’une chance de découvrir un pot-aux-roses au sommet de l’État.

La loi du plus fort.

Charles de Courson n’est pas connu pour sa souplesse ou son sens de la diplomatie. Il se présente en Saint-Just investi d’une mission sacrée, celle de dénoncer toute forme de corruption dans la classe politique. Il a été aussi dur avec Nicolas Sarkozy qu’il l’est maintenant avec M. Cahuzac et ses anciens amis. Il cherche peut-être à prouver son impartialité, en donnant du fil à retordre au pouvoir, après avoir harcelé le gouvernement précédent. M. Claeys, de son côté, a réduit le travail d’investigation de la commission à la loi du plus fort : les membres de gauche de la commission étant plus nombreux que ses membres de droite, on vote, et c’est ficelé. Ce n’est pas autre chose qu’un tour de passe-passe destiné, finalement,  à arrêter l’enquête. Dans ces conditions, il valait mieux ne pas créer la commission.

La responsabilité des socialistes dans l’échec de l’enquête est grande : l’attention de l’opinion est certes inexistante et les médias ne s’en emparent que pour animer un été politiquement apathique.  Mais Jérôme Cahuzac, tôt ou tard,  rendra des comptes à la justice et, à ce moment-là, le doute instillé par le refus du pouvoir de s’expliquer se traduira par de nouvelles questions auxquelles M. Ayrault devra alors répondre. Le Premier ministre, M. Mosocovici et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, ne cessent de répéter qu’ils n’ont rien à cacher et que, s’ils ne cèdent pas aux « caprices » de M. de Courson, c’est parce qu’il veut les inscrire dans une position d’accusés que le serment énonçant leur totale innocence suffit, selon eux, à écarter. Malheureusement, des serments, dans l’affaire Cahuzac, on en a beaucoup entendus. Avant de comprendre qu’il s’agissait d’autant de mensonges.

La réputation de M. Ayrault n’aurait pas été entachée par une audition (et non une comparution) devant la commission. Elle aurait permis de clore l’enquête dans l’harmonie, pour autant que Charles de Courson consentît à mettre un terme aux travaux de la commission. La question était : M. Cahuzac a-t-il été protégé par le pouvoir et celui-ci savait-il que le ministre du Budget était gravement compromis alors qu’il jurait devant les élus qu’il était innocent ? Ce n’est pas du tout une question négligeable et il est bien regrettable qu’aucune réponse ne soit fournie.

RICHARD LISCIA 

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