Un été meurtrier

Le train espagnol
(Photo AFP)

Après le 14 juillet, les Français prennent leur distance vis-à-vis de la politique et s’intéressent, surtout s’ils sont en vacances, aux sujets de société et aux faits-divers. Les journaux se font un devoir de publier des articles culturels, exotiques, imaginatifs et laissent vagabonder la curiosité ou le talent de leurs journalistes-écrivains. Malheureusement, le mois de juillet a eu son cortège d’accidents et de catastrophes et n’a pas apporté à la politique une alternative satisfaisante.

QU’ON EN JUGE : Québec, Brétigny, Saint-Jacques de Compostelle, Suisse : quatre accidents de train l’un plus dévastateur que l’autre. À Naples, chute d’un car dans un ravin. Des dizaines de morts ici et là. Des peuples secoués par ces tragédies et solidaires des familles des victimes. Rien, vraiment, qui puisse donner un sourire à l’été. On en regretterait presque les hausses du prix de l’énergie, le chômage, la dette, la réforme des régimes de retraite. On sourirait presque de ce vol de bijoux qui, à Cannes, a rapporté 103 millions d’euros à son auteur. Mais on n’est pas vraiment intéressé. On se reprocherait presque de se dorer sur une plage pendant que se produisent ces tragédies. Mais le hasard est immoral, il frappe là où il veut, quand il veut. Tous les jours, nous nous indignons d’une foule de scandales, hexagonaux ou lointains. Nous ne savons pas intégrer la fatalité.

L’ordre secret des drames.

Bien sûr, nous cherchons, phénomène bien connu, une sorte d’ordre qui expliquerait ce désordre. Ce serait la faute d’un conducteur de train, ce serait celle de la compagnie ferroviaire, ce serait un attentat, ce serait non pas l’inéluctable mais une absence de vigilance, de prévention, de surveillance, de mesures sécuritaires. On pourrait soigner le mal. On devrait tout reprendre à partir de zéro. On ne s’embarquera plus sur un train si toutes les éclisses n’ont pas été vérifiées, si on ne s’est pas assuré que le conducteur n’est ni drogué ni ivre. Prévoir, c’est empêcher, n’est-ce pas ? On peut tout éviter si on se calfeutre à la maison, si on n’utilise plus sa voiture, les routes, les voies ferrées, les lignes aériennes. C’est la tentation de la survie, aggravée, ces dernières années, par l’adoption du principe de précaution, formidable instrument qui permet à chacun des 65 millions de Français d’exiger de l’État de prendre des mesures exceptionnelles de sécurité en toute circonstance.

Laisser une place à l’impossible.

On ne convaincra pas l’opinion avec des statistiques. On ne la persuadera pas que l’avion et le train font infiniment moins de morts que les accidents domestiques, la bicyclette, l’auto et la moto. Inversement, les ingénieurs admirables qui conçoivent les moyens de transport, ont mis au point des machines et des systèmes de sécurité qu’ils présentent comme infaillibles. C’est ainsi qu’on a estimé, après le terrible accident de l’avion Rio-Paris, que l’appareil ne pouvait en aucun cas sombrer dans l’océan, ce que pourtant il a fait. Erreur humaine ? Excès de technologie avancée ? Il est peut-être temps de laisser une place à l’impossible ou à l’improbable et d’en faire des facteurs de fatalité. De ne pas ériger le principe de précaution en critère ultime de santé publique. L’important, c’est qu’une société fasse tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les effets pervers de la technologie ou de la science. Mais le progrès a un prix.

RICHARD LISCIA

PS- Je m’absente pendant  deux semaines. Je reprendrai la publication quotidienne de ce blog le lundi 19 août. Merci à ceux qui me suivent.

 

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2 réponses à Un été meurtrier

  1. lamarche- arène dit :

    Bonnes vacances ; vous allez nous manquer.

  2. PALADIAN dit :

    Il est évident qu’avec le principe de précaution les greffes d’organes(qui, au début ont entraîné plus de 90% de mortalité) par exemple n’auraient jamais pu être réalisées.
    On réclame une perfection imparfaite alors que des facteurs de progrès sont étouffés dans l’oeuf.

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