L’hôpital qui se moque de la charité

La crainte du ras-le-bol fiscal
(Photo AFP)

C’est une petite campagne discrète lancée par le gouvernement avec l’aide du PS : il s’agit de dénigrer les hausses d’impôts. Elle a commencé le 14 juillet dernier, quand le chef de l’État a souhaité que les impôts n’augmentent pas trop, comme s’il y avait quelqu’un qui l’obligeait à le faire. Elle est apparue plus clairement mardi, quand Pierre Moscovici, ci-devant ministre de l’Économie, s’est inquiété du « ras-le-bol fiscal » de la population et quand, lui faisant écho, Thierry Mandon, porte-parole du groupe PS de l’Assemblée, a regretté la taxation des heures supplémentaires, mesure dont, pour notre part, nous avons toujours dénoncé l’injustice. Enfin, Laurent Fabius, ce matin, a souhaité un gel de la fiscalité.

LE PLUS PARADOXAL, dans ce soudain mea culpa socialiste, c’est que personne ne dit pour autant que l’on va baisser les impôts. En gros, le message est le suivant, et il est poussé avec un soupir de contrition : les impôts deviennent trop lourds, mais on ne peut pas s’en passer. Et pour cause. Si 2013 vous a paru accablant, vous serez écrasé par 2014 : hausse probable de la CSG pour financer les retraites, TVA qui augmente de 1,4 %, désindexation poursuivie des retraites, maintien du gel du barème servant à calculer l’impôt (un système qui assujettit à l’impôt des ménages naguère défiscalisés).

Deux hypothèses.

Dans ces conditions, à quoi servent les ballons-sondes lancés par les Moscovici et autres Mandon ? Ou bien le gouvernement, dans une volte-face historique, renonce à accroître en 2014 une pression fiscale qui atteint cette année plus de 46 % de la richesse brute du pays. Et dans ce cas, il ne pourra pas faire autrement que de diminuer encore plus (de plusieurs milliards) la dépense publique, ce qui se traduirait fatalement par une baisse des prestations sociales. Ou bien il se donne naïvement le beau rôle : la hausse des impôts, c’est la faute à pas de chance (ou à Sarkozy, qui, aux yeux du PS, devra expier ses « erreurs de gestion » jusqu’en 2017, dès lors que les socialistes expliquent l’impopularité de leurs mesures par les contraintes nées du mandat précédent, comme s’ils n’étaient pas responsables des décisions innombrables qu’ils ont adoptées et appliquées). Mais c’est un mal nécessaire. Je suis désolé, mais je continuerai à vous taxer.

Un vaudeville.

On penchera pour la deuxième solution. On nous joue, sur la scène politique, un vaudeville qui n’en finit pas de nous faire rire à nos dépens. Les impôts, c’est affreux, mais  en voici un de plus, et encore un autre, et d’autres à venir. Souvenez-vous non pas de ce que vous payez, mais de toute l’affection avec laquelle je vous siphonne. L’amour vache, en quelque sorte. En réalité, le recours systématique à l’impôt traduit un manque de courage politique, celui de réduire les prestations sociales pour rééquilibrer les systèmes de santé et de retraites. La pression fiscale, c’est l’instrument qui permet au gouvernement d’affirmer, en toute hypocrisie, qu’il ne pratique pas une politique d’austérité. La part accordée aux impôts dans l’effort de redressement financier n’est pas une méthode comme une autre. C’est un choix stratégique. On ne peut pas la traiter comme une nuisance imprévue à corriger d’un simple coup de volant. Si le pouvoir veut la réduire, il doit dès maintenant prévoir de nouvelles baisses de la dépense publique à inscrire dans le projet de budget pour 2014 et qui sera discuté à partir du mois prochain.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à L’hôpital qui se moque de la charité

  1. guinard dit :

    Le discours socialiste est effectivement très spécieux, ce que R.Liscia met si finement au jour. Et la sanction tombe : « le recours systématique à l’impôt traduit un manque de courage politique, celui de réduire les prestations sociales pour rééquilibrer les systèmes de santé et de retraites ».
    Jusqu’où les Français toléreront-ils ces louvoiements hypocrites ? A qui profitera à terme ce ras-le-bol sinon aux extrémismes ?

  2. En médecine, on demande à des bien-portants d’aider des malades, même imaginaires car souffrants. N’y a-t-il pas un parallèle avec les gens à l’aise financièrement et les démunis ? Tout le monde n’a pas la même force de caractère. Pas besoin d’infliger une double peine aux affaiblis. Je sais, le juste milieu n’est pas chose facile, et les « en bonne santé » doivent le rester. Mais bon.

  3. A3ro dit :

    Plus que de réduire les prestations sociales, il s’agit surtout de réduire les dépenses de fonctionnement de l’Etat. Prendre de l’argent à la société sous forme d’impôt pour le rendre en prestations sociales, ce n’est pas si terrible ; celà participe même à la justice sociale (si on excepte certains effets d’incitations pervers). Celà n’enlève rien à la machine économique.
    De même que payer des fonctionnaires pour assurer un service qui profite à tous contribue à l’économie. Cela revient, finalement, à payer une entreprise de service.

    Là ou le bât blesse, c’est le fait que le contribuable/ consommateur/ investisseur/ entrepreneur soit obligé de payer des taxes disproportionnées pour un service moyen. En termes économique, l’utilité retirée du fait de payer des impôts est faible : on paye beaucoup pour avoir peu. Et c’est dû aux inefficacités de l’organisation du service public : trop de couches administratives, de comités, responsabilités éparpillées… Si les services publics non régaliens étaient ouverts à la concurrence, l’administration actuelle aurait du souci à se faire.

    Et la ou on est tous coincés, c’est que la fonction publique pèse 4 millions de fonctionnaires, c’est à dire une force électorale conséquente ; et surtout, très sensible aux discours syndicaux. Typiquement : chaque réforme de l’hôpital est l’occasion d’accuser son auteur de « vouloir la mort de l’hôpital public ». Les urgences de l’hôtel-Dieu à Paris en sont encore un exemple. Par conséquent, changer les choses relève des douze travaux d’Hercule.

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