Ayrault : l’ordre injuste

Pas de report de l’âge de la retraite
(Photo AFP)

Dans son intervention dimanche soir sur France 2, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, n’a semblé recouvrer son autorité sur les membres du gouvernement qu’en faisant diverses annonces qui désespèrent les Français en général et les socialistes eux-mêmes. En ce qui concerne la réforme des régimes de retraite, il semble s’orienter vers une hausse de la CSG qui risque de tuer dans l’oeuf le sursaut de croissance constaté au deuxième trimestre.

SI VOUS AVEZ CRU que les appels lancés à gauche la semaine dernière pour éviter toute augmentation d’impôt servaient de ballons d’essai au gouvernement, vous vous êtes trompé lourdement : le Premier ministre attribue toutes les déclarations anti-fiscales de ses amis au désordre désormais habituel qui règne au PS et chez les ministres ; il a fait acte d’autorité en prononçant le discours de clôture de l’université d’été du PS à la place du Premier secrétaire, Harlem Désir, et en rejetant sans nuances un espoir de stabiliser ou de diminuer la pression fiscale que l’idée d’une taxe carbone (« qui n’en serait pas une ») avait déjà entamé.

Un démenti.

On peut nourrir quelques doutes sur la durée de la discipline qu’il a voulu instaurer dans son équipe ; comme on l’a vu récemment, même les ministres régaliens peuvent se disputer comme des palefreniers. M. Ayrault entendait seulement démentir le retour à la modération fiscale parce qu’il lui fallait sous-entendre, sans le dire vraiment, que la réforme des retraites serait axée non pas sur la prolongation des carrières mais sur une hausse, probablement élevée, de la CSG, qui s’ajoutera à une durée de cotisations plus longue.

Le moyen puissant et radical de rééquilibrer tous les régimes de retraites, c’est de différer la fin de l’activité professionnelle. C’est une méthode dictée par l’augmentation considérable de l’espérance de vie et par une pression fiscale qui ne cesse d’augmenter au point qu’elle est devenue intolérable cette année. En renonçant à prolonger les carrières d’un, deux ou trois ans, M. Ayrault est convaincu qu’il s’attirera les sympathies des syndicats. Il n’en est rien : la perspective d’une hausse de la CSG les fait bouillir. Le Premier ministre se contente d’assurer le succès des manifestations syndicales du 10 septembre prochain.

On ne niera pas, toutefois, que la prolongation de la durée des cotisations contribuera à résorber le déficit des régimes. Elle revient à différer le départ à la retraite. Mais, comme elle est moins efficace que la retraite à 65 ans, elle sera assortie d’une hausse des prélèvements. Non seulement le pouvoir prolonge la vie active d’une manière détournée qui ne trompe personne, mais il accroît le mécontentement des salariés en leur demandant à la fois de payer plus et de travailler plus longtemps. C’est d’une finesse politique, d’une subtilité stratégique et d’une simplicité dans l’exercice de l’hypocrisie qui semblent relever de la confusion mentale.

Pour économiser, on dépense.

M. Ayrault croit qu’en faisant de la pénibilité de certains métiers une préoccupation première il va amadouer les syndicats. Cette attitude caractérise toute l’action du Premier ministre : quand la faillite du pays exige de lui qu’il fasse des économies, il tente de les réaliser avec un souci de justice qui risque d’augmenter les dépenses. C’est ainsi qu’il a cru bon d’embaucher massivement de nouveaux enseignants, magistrats et policiers. Il jure que ces recrutements sont compensés par des non-remplacements dans d’autres secteurs de la fonction publique. À voir. Pour mieux économiser, en France, on dépense. En matière de gestion, rien de pire qu’un agenda idéologique dont tout pouvoir veut faire sa marque, au point d’oublier qu’il est là d’abord pour éteindre les incendies. On sacrifie  l’urgence au grand dessein.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Ayrault : l’ordre injuste

  1. Chambouleyron dit :

    Je n’en crois pas ma lecture. Voyons ! Le gouvernement social démocrate, gouverne au centre droit comme ce fut le cas depuis Jacques Chirac. En Europe il n’a que peu de marge de manoeuvre. Il occupe le terrain politique pour que sa majorité n’éclate pas et que les municipales ne soient pas trop désastreuses. Je comprends parfaitement que les soutiens du candidat Hollande se sentent floués. Pour moi il pratique l’austérité qu’il a tant vilipendée et qui seule nous sortira d’affaire. Ne dit-on pas que cela va mieux pour la Grèce ?

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