Syrie : la négociation impossible

L. Brahimi, représentant de l’ONU
(Photo AFP)

La conférence, dite de Genève II, qui s’est ouverte hier en Suisse afin de trouver un accord susceptible de ramener la paix dans ce pays dévasté, a mal commencé. Chacun des participants, en effet, s’y est rendu avec son propre programme et aucun programme n’est compatibles avec les autres. On dira, sans trop y croire, que c’est le propre des conversations de combler les différences. Espérons.

LE CONSEIL national syrien (CNS) censé représenter toute la diversité de l’opposition, est divisé. Il n’est pas maître du rapports de forces militaire, car l’envoi en Syrie de djihadistes venus du Liban, d’Iran et même d’Europe, a renversé la situation en faveur de Bachar Al Assad. Naguère, le dictateur, dont l’obstination a fait plus de 130 000 morts, d’innombrables blessés et 4 millions de réfugiés, semblait n’avoir plus que le choix d’indiquer le jour de sa chute ou de son exil ; aujourd’hui, personne ne parie sur sa disparition  politique ou physique. Le CNS ne veut pas commencer à parlementer si le préalable d’un changement de gouvernement à Damas n’est pas adopté. Les hommes qui représentent Bachar à Montreux (Genève n’avait plus d’hôtel libre) ripostent par des  injures et des imprécations. Le CNS et les représentants de Bachar ne se parlent pas directement. Les Occidentaux tentent de peser de toutes leurs forces sur le cours des conversations en stigmatisant les crimes de Bachar et en exprimant la défiance qu’il leur inspire, tandis que les Russes dénoncent l’hallali contre celui qui reste, hélas, le maître de la Syrie.

Ban annule son invitation.

En somme, un charivari plus qu’une négociation rationnelle avec un ordre du jour. D’autant que, à la veille de la réunion, le secrétaire général de l’ONU, sans prendre l’avis de qui que ce soit, avait décidé d’inviter l’Iran à Montreux. Tollé à Washington et en Europe. Sous la pression occidentale, Ban Ki-moon a été contraint de retirer son invitation. Les Russes sont certes éminemment blâmables, qui continuent à soutenir, en dehors de toute considération humanitaire, l’homme le plus sanguinaire du siècle. Mais Amérique et Europe n’ont pas fait mieux.

François Hollande, croyant bénéficier du soutien de Barack Obama, avait préconisé l’été dernier une intervention militaire avec l’aval de l’ONU. Vladimir Poutine proposa alors d’exiger de Bachar la destruction de ses armes chimiques, dont l’usage venait de provoquer l’indignation mondiale. Tout se passe bien : les armes en question sont en cours de démantèlement, sous le contrôle d’experts internationaux. Mais on en est resté là, comme si Bachar ne continuait pas à livrer contre ses propres compatriotes une guerre d’une sauvagerie inouïe. C’est le camp le plus dénué de scrupules qui triomphe, c’est Bachar qui bombarde les positions des insurgés, donc des civils, des femmes, des enfants, c’est lui qui continue de recevoir des armes et des troupes du Liban et de l’Iran, alors que l’aide matérielle aux rebelles est chichement comptée quand elle n’est pas nulle.

Comme il y a deux ans, et si la négociation, ce qui est à craindre, ne produit aucun résultat, le choix restant est militaire. L’aide de Moscou, de Téhéran et du Hezbollah libanais peut offrir une victoire à Bachar. Pour le défaire, l’option est la même : intervenir avec toute la puissance de feu américaine. C’est ça, ou la révolution n’aura servi à rien.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Syrie : la négociation impossible

  1. PAPOUNET dit :

    On pourrait par commencer à se poser la question de savoir qui a allumé la mèche en Syrie.
    On remarque au passage qu’il a suffit de deux décennies pour faire un no man’s land dans certains pays du Moyen-Orient. Si les occidentaux pensent qu’ils vont instaurer leur semblant de démocratie sur les cendres de ces pays alors c’est qu’on a à faire à de sacrés clowns.

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