Les deux François

Une visite à usage électoral
(Photo AFP)

À Rome, le président de la République a été reçu ce matin par le pape François qui, malgré sa grande affabilité naturelle, aurait exprimé son inquiétude au sujet de l’évolution de la société française sous l’autorité du gouvernement socialiste. En effet, avec le mariage pour tous, la réaffirmation du droit à l’IVG, les aménagements probables qui seront apportés à la fin de vie, la majorité a adopté ou s’apprête à adopter des lois qui  ne sont pas du tout du goût des catholiques français, dont 110 000 ont adressé au pape une « supplique » pour l’alerter sur ces changements qu’ils réprouvent.

LE SOUVERAIN PONTIFE aura quand même trouvé en François Hollande un interlocuteur qui le rejoint dans son combat contre la misère, la violence, les abus de la finance mondiale au détriment des peuples. Certes, le pape ne saurait approuver le mariage entre homosexuels, mais il a eu l’occasion de dire qu’il ne voulait pas les juger. Si un pape s’est jamais rapproché des idées social-démocrates, c’est bien François, ecclésiastique modeste et simple jusqu’à l’humilité qui a entrepris de réformer le Vatican pour le ramener à sa vocation première, le souci du prochain, et l’éloigner des jeux du pouvoir, des rivalités personnelles et des petits complots machiavéliques,  trop présents dans l’Église romaine.

Un message aux catholiques français.

Le souverain pontife est toutefois assez clairvoyant pour comprendre que François Hollande a demandé à le rencontrer uniquement dans le cadre d’un simple contact. Au Vatican, le chef de l’État recherchait, entre autres, une sorte d’onction papale, lui qui affirme ne pas avoir la foi, avec l’espoir de satisfaire les Français, dont l’immense majorité est catholique.  Il s’agirait, en quelque sorte, d’une manoeuvre électorale qui s’inscrit dans la foulée de sa nouvelle démarche économique et sociale. M. Hollande espère certes améliorer la conjoncture, mais il veut en tirer tous les bénéfices politiques, avant même que son programme ait produit des résultats. Il en va de même avec sa relation avec les catholiques français : il a fait adopter des lois qui sont pour eux autant de couleuvres, mais il tente de leur faire croire qu’il n’y a pas de meilleurs amis que le pape et lui, et que tout les rapproche.

Pour ma part, et par honnêteté envers le lecteur, je tiens à préciser (ou à rappeler) que j’approuve les réformes engagées par le président de la République en matière de moeurs et de société. J’ajoute que tous les catholiques ne sont pas hostiles au mariage homosexuel, à l’IVG ou à des conditions de fin de vie améliorées. En outre, j’adhère étroitement à son engagement en faveur de la laïcité, beaucoup plus clair et dépourvu d’ambiguïté que celui de son prédécesseur. Je me contente de signaler ici que  François Hollande tente de renverser une situation par un voyage symbolique.

Il reste les symboles.

Le premier Hollande, celui qui taxait les hauts revenus à 75 % et désignait la finance comme son ennemie, aurait mieux convenu au pape qui, lorsqu’il était archevêque de Buenos-Ayres, partageait la vie des pauvres. Le second, furieusement à gauche dans les questions de société, mais social-libéral en économie, est diamétralement opposé au souverain pontife, encore très conservateur sur l’euthanasie et sur l’avortement, mais très en pointe lorsqu’il s’agit de lutter contre la pauvreté et les inégalités. Les bataillons de Français hostiles à l’IVG, à l’euthanasie et au mariage homosexuel ne seront pas dupes d’une audience qui n’a duré que 35 minutes et n’a sans doute eu lieu que parce que le Vatican ne pouvait pas la refuser de toute façon. Aussi bien le contenu de la conversation, sur lequel on ne fait que des supputations, n’aura-t-il pas été très substantiel.

On se référera aux symboles : moi, président, je ne lirai pas mes SMS pendant une audience papale, je ne me ferai pas accompagner par un humoriste sous le prétexte qu’il est catholique, je ne dirai pas que le prêtre est plus utile à l’éducation de l’enfant que l’instituteur. Moi, président, je veux bien reconnaître l’autorité morale du pape, surtout quand c’est cet homme-là, mais je ne ferai aucune concession sur la laïcité. Moi, président, je demanderai le soutien des catholiques sans rien leur donner en échange.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à Les deux François

  1. PAPOUNET dit :

    Langue de bois chez nos deux François. Le libertin François va faire amende honorable chez le représentant de Dieu sur terre. Décidément, nos amis socialistes n’ont honte de rien.
    On pourrait franchement se marrer sur les griefs du pape à l’encontre du président français. Il paraît que Hollande lutte contre la pauvreté et les abus de la finance. On peut se poser des questions sur le service de renseignements papal car nos ténors socialistes sont certainement plus riches que leurs camarades de l’opposition et que nos libertins dépensent autant, sinon plus, que leurs prédécesseurs.
    Notre président aurait mieux fait de prier pour trouver les moyens d’être plus compétent et surtout moins menteur.

  2. edrei.yves dit :

    La fourberie politicienne qui rencontre un digne représentant des jésuites nous rendent sceptiques quant à la finalité de la démarche.
    Ce geste n’est en rien symbolique car personne ne peut être dupe quant à son efficacité.

  3. Louvari dit :

    Quelle fanfaronnade! Pendant ce temps, les chômeurs prient-ils François ? J’ai honte pour mon pays, qui laisse ses jeunes au chômage et qui ose se distraire pendant qu’eux perdent leur foi. Jean-Louis Borloo avait dit zéro chômeur dans sa ville, et il y est arrivé. Alors ?

    • PAPOUNET dit :

      Tellement arrivé le Borloo, que, lors de son départ de la mairie de Valenciennes, le chômage était de 14 % supérieur à la moyenne nationale, dans une ville qui ne compte que 41 278 habitants. Actuellement, et vu l’état de notre pays, aucun politique ne serait capable de remettre la France sur les rails de la croissance.

      Réponse : à la fin du mandat de maire de M. Borloo, le chômage était en voie d’éradication. Après son départ, la crise a fait ses ravages, comme ailleurs.

  4. Dr. Johnson à Lomé dit :

    Une rencontre qui aura sa place dans les commentaires des évènements mondiaux, mais qui ne dupera pas un pape jésuite pour les temps à venir. Surtout pour un pays comme la France dont l’Eglise catholique a du mal à se ‘dérider’ pour aller vers la ‘périphérie’; cette périphérie avide d’une sincère évangélisation à la rencontre de la foi de l’autre, du prochain, pour un partage fraternelle des valeurs de la bonne nouvelle sans exclusion.

    • PAPOUNET dit :

      La France fille aînée de l’église n’est plus qu’un vieux souvenir. Aujourd’hui les icônes médiatiques ont remplacé les églises.

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