Ayrault sur le fil

Des casseurs de l’ultra gauche
(Photo AFP)

Le centre de Nantes a été dévasté dimanche par des casseurs de l’ultra gauche, mais c’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui sort le plus meurtri de cette journée d’émeutes : la cohabitation entre les socialistes et les Verts devient intenable. Cécile Duflot a déclaré qu’elle soutenait la manifestation contre le projet d’aéroport « plutôt deux fois qu’une ». Déclaration qui ne surprend personne depuis qu’elle a décidé, avec un cynisme remarquable, que l’on peut attaquer chaque jour le gouvernement auquel on appartient, mais qui semble intolérable au regard de la tournure violente qu’a prise la manifestation.

LES LEADERS ÉCOLOGISTES qui ont pris le relais de Cécile Duflot n’ont pas nuancé ses propos. Répondant au pseudo ultimatum du Premier ministre qui leur demandait de « sortir de l’ambiguité », ils ont tous dit, de Pascal Canfin à François de Rugy, qu’il n’y a chez eux aucune ambiguïté : ils sont contre l’aéroport de Nantes et contre les violences. Barbara Pompili estime, pour sa part, qu’il faut dépasser l’affaire de Nantes, les « pinailleries », dit-elle, et se consacrer à la transition énergétique. C’est trop facile : Nantes révèle une césure grave au sein du gouvernement qui ne peut être réparée que par le départ des Verts. Lesquels, dans leur naïve arrogance, s’imaginent qu’ils n’auront pas besoin de partir dès lors que François Hollande changera de Premier ministre.

L’isolement d’Ayrault.

M. Ayrault, de ce point de vue, est bien seul. Il est le seul, en fait, à porter le projet du nouvel aéroport, qu’il a conçu quand il était maire de Nantes. Le président le ménage, mais à mesure que la date de l’engagement des travaux approche, la résistance des écologistes, soutenus par des factions violentes, est de plus en plus grande. Or le Premier ministre est privé de la seule arme dont il dispose pour museler les écologistes : le limogeage. Pourquoi Mme Duflot est-elle encore au gouvernement ? Parce que M. Hollande, déjà harcelé par le Front de gauche, ne souhaite pas que sa majorité soit réduite au PS. Il préfère avoir EELV avec lui, fût-ce nominalement, et Verts en profitent, en affichant une liberté de ton qui, depuis longtemps, a dépassé les limites de la loyauté.

L’effet sur l’opinion est néfaste. Comment pourrait-elle comprendre que l’on travaille au sein de l’équipe de M. Ayrault tout en la critiquant ? Il est vrai que le Premier ministre a a été en conflit non seulement avec M. Duflot, mais avec d’autres ministres, comme Arnaud Montebourg, tandis que quelques ténors, de Manuels Valls à Michel Sapin, espèrent le remplacer prochainement. Dès lors que les Verts ont assez de sang-froid pour continuer à discréditer le Premier ministre qu’ils sont censés servir et qu’ils n’en paient pas le prix, le calcul qu’ils font au sujet de sa démission prochaine ne semble pas insensé.

Une majorité virtuelle.

Dans ce contexte, les appels de M. Hollande à l’unité d’action du gouvernement apparaissent comme encore plus dérisoires.  Il a changé de politique économique après avoir été élu sur un programme qu’il est contraint de renier, mais il lui manque maintenant une majorité qui se reconnaisse dans ce qu’il fait. Il ne l’a pas : même le PS est très divisé au sujet du pacte de responsabilité et lorsque la transition énergétique sera sérieusement examinée, les Verts, qui feignent de ne pas le savoir, devront se rendre à l’évidence : sur le nucléaire, le chef de l’État s’apprête à reculer, sur le gaz de schiste, il lèvera le tabou et sur les investissements dans les énergies renouvelables, il sera très prudent.

Les Verts quitteront alors le gouvernement, mais ce sera peut-être trop tard pour M. Ayrault, qui risque de partir en même temps qu’eux. À sa décharge, on observera que sa tâche, qui consiste à réconcilier les contradictions de la politique du président, est une mission impossible. Mais il n’a pas su imposer son autorité, sans doute parce que les élections primaires au PS ont permis à quelques personnages d’émerger du lot. Quand Valls, Montebourg et d’autres ont été nommés ministres, ils se sont vus comme presque présidents.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Ayrault sur le fil

  1. LECRU JEAN dit :

    L’action de nos dirigeants est bien peu compréhensible. D’autant que je ne sais quelle reforme, quelle remise en cause,quelle idée saugrenue vont encore nous inventer nos énarques hypercérébraux, ou les conseillers en communication, pour dévier la vindicte des Français déçus et spoliés. Bref, deux ans de perdus et ce n’est pas fini.
    Et dire qu on a reproché à une certaine presse d avoir baptisé M. Hollande d’enfumeur!

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