Une majorité incorrigible

Avec des amis pareils…
(Photo AFP)

En démocratie, il est tout à fait logique que des parlementaires contribuent par des observations, des amendements, des modifications, au travail gouvernemental. Menés par Bruno Le Roux, chef des députés socialistes, une trentaine d’élus se sont efforcés, depuis la semaine dernière, d’obtenir des changements dans les dispositions annoncées par Manuel Valls pour économiser 50 milliards de dépenses publiques. M. Le Roux espère que le gel des prestations sociales et de l’indice des fonctionnaires va être annulé. Dans ce cas particulier, au nom de la démocratie, on va passer à côté de l’essentiel.

LES ÉLUS DU PS craignent que la sévérité des mesures du gouvernement n’éloigne encore davantage l’électorat de la majorité. Ils tentent donc de peser dans le sens de la générosité sociale. M. Valls, pourtant, n’a pas fait autre chose que geler des prestations sociales. Il ne s’agit pas de les diminuer, il ne s’agit même pas de les bloquer durablement, alors que l’inflation est historiquement basse. Dans le débat sur le contenu du programme du gouvernement, deux éléments troublants apparaissent : le premier concerne la méthode, qui est bizarre. Il fallait que M. Valls s’assurât le concours de sa majorité avant et non après son effet d’annonce. Le second est le plus grave : si le Premier ministre veut aller vite, s’il veut être reconnu comme un homme à poigne, s’il veut exciper enfin de quelques résultats, c’est raté. Le PS fait tout pour ramener M. Valls à la dimension de M. Ayrault.

M. Valls a trois mois.

L’ordre des priorités a disparu. Lorsqu’on a appris que le déficit budgétaire en 2013 était supérieur à l’objectif, Manuel Valls a eu pour tâche immédiate de rassurer l’Union européenne et les marchés. Il s’y est employé avec sa détermination habituelle. Voilà maintenant que, au nom de quelques minima sociaux, on le freine dans son élan initial. M. Valls n’a pas la vie devant lui, il a trois mois pour engager la France sur la voie du redressement. S’il manque ce sprint initial, toute son action ultérieure se perdra dans les palabres. L’effet le plus négatif de la fronde socialiste, c’est que le pays en oublie l’urgence des mesures annoncées : la croissance ne dépassera pas 1 % cette année, elle atteindra péniblement 1,5 % l’an prochain et le seul moyen de créer des emplois, c’est d’orienter massivement des fonds vers la production en les soustrayant à une redistribution excessive. Depuis juin 2012, le nombre des chômeurs a augmenté de 420 000. Vendredi, le nouveau chiffre mensuel sera annoncé. Cette tragédie sociale ne mérite-t-elle pas un traitement exceptionnel ?

Le blanc-seing nécessaire.

Certes, les élus socialistes font valoir que la baisse des dépenses risque, elle aussi, de peser sur la croissance, alors que la réduction des charges ou des impôts mettra du temps à relancer l’activité économique. Ce sont des risques, comparés à l’état, de toute façon dramatique, du pays. La question n’est plus de savoir quelle méthode est la plus efficace. La question porte sur le blanc-seing dont ce nouveau gouvernement a besoin pendant quelques mois si l’on veut qu’il fasse ses preuves. Il n’est pas excessif de dire que, au fond, il y a en France deux courants : l’un veut épargner divers groupes dans un souci électoral, même si les défaites politiques s’accumulent ; l’autre veut avancer, quel que soit le prix du progrès. C’est une bataille qui oppose, en réalité, des conservateurs à des progressistes, dans un pays où la force des habitudes a été, jusqu’à présent, la plus forte.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Une majorité incorrigible

  1. A3ro dit :

    Conservateurs contre progressistes, c’est une analogie amusante. Les progressistes sont associés historiquement à la gauche, alors que les conservateurs seraient de droite. Alors qu’aujourd’hui, il y a :
    – un conservatisme de droite (manif pour tous, euroscepticisme du FN et d’un bout de l’UMP)
    – un conservatisme de gauche qui se croit progressiste (pas touche au avantages acquis ! Euroscepticisme de Mélenchon), qui chercherait à conserver les méthodes de la gauche des années 60
    – un progressisme du centre (ailes centristes du PS et de l’UMP, UDI, Modem) qui a apparemment tiré les leçons de la mondialisation et qui a envie de bousculer un peu les vieilles rentes et habitudes françaises.

    Le progressisme sur les questions de société est peut-être l’apanage de la gauche (quoique.. enfin admettons). En revanche, sur les problèmes économiques, pas mal de monde reste ancré dans les recettes d’antan. C’est bien connu, la France ne se réforme pas, elle préfère attendre jusqu’à devoir faire la Révolution.

  2. Dr Jérôme Lefrançois dit :

    Les socialistes français sont vraiment incorrigibles, leur conservatisme et leur aveuglement sont affligeants, leur démagogie et leurs préoccupations électorales leur servant d’idéologie. Si Manuel Valls ne les envoie pas très vite au diable, nous serons bien partis pour sombre, après un dernier soubresaut et une dernière chance que le destin avait offerts à la France à travers la nomination de Manuel Valls.
    Il va être temps que les dernières forces vives, les derniers entrepreneurs et (vrais) travailleurs s’enfuient de ce pays, pour n’y laisser qu’une armée (mexicaine) de fonctionnaires et d’ayants-droit.
    Le désespoir gagne les Français qui font vivre le pays avec leur travail, ceux qui ne comptent pas leurs heures, ceux qui prennent des risques en investissant, en innovant, en inventant, ceux que les socialistes découragent, pourchassent, négligent, démotivent,…bref, ceux qui ne votent pas pour eux, et depuis longtemps (je ne parle pas des déçus récents du « hollandisme », simplement déçus parce qu’ils ont cru au Père Noël, et cru qu’on ne toucherait pas aux « z’avantages z’acquis »).

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