Deux ans de hollandisme

Temps actif ou temps perdu ?
(Photo AFP)

L’AFP publie un long bilan de deux années de présidence de François Hollande, qui a le mérite d’être exhaustif. Chômage, pacte de stabilité, pacte de responsabilité, réforme pénale, réforme de l’éducation, réforme des retraites, mariage homosexuel, réindustrialisation, lutte contra la délinquance, IVG et contraception, fin de vie, dépendance, famille, réforme territoriale, tout y passe. Mais l’énoncé d’actes nombreux, accomplis ou à venir, ne rend pas compte de la situation du pays.

LE SENTIMENT de l’opinion est que, paradoxalement, les ressemblances avec la présidence de Nicolas Sarkozy sont nombreuses. Le président actuel, en dépit des engagements qu’il avait pris dans sa fameuse anaphore, n’a pas réussi à faire de sa vie privée un sanctuaire à l’abri des médias. Il a fait beaucoup de promesses qu’il a été incapable de tenir. Les premières dispositions économiques qu’il a prises ont eu un effet catastrophique sur le pouvoir d’achat. Il a annoncé une « inversion de la courbe du chômage » qui ne s’est pas produite. Il avait juré de rassembler les Français, il les a divisés avec sa loi sur le mariage homosexuel (que j’ai moi-même approuvée) qui a dressé les catholiques contre lui, sans doute parce que sa ministre de la Justice, couverte d’éloges par la gauche, l’a présentée comme un triomphe de la morale et du droit.

À couteaux tirés avec la majorité.

François Hollande est désormais dans une relation ambigüe et compliquée avec sa propre majorité, parce qu’il a tiré de sa défaite aux élections municipales une conclusion qui n’est pas celle des syndicats, de l’aile gauche du PS, des Verts et du Front de gauche. Au lendemain du second tour, j’ai signalé ce malentendu, analyse qui a été contestée par une partie de mes lecteurs. Le phénomène est pourtant apparu clairement lorsque le chef de l’État a remplacé Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls et qu’il a confirmé son choix d’une politique de l’offre. Le nouveau Premier ministre a certes passé le cap de la question de confiance, il a même franchi celui d’une sorte de second discours de politique générale, mais il n’a pas obtenu la majorité absolue. Il est en conflit larvé avec  une centaine de députés socialistes qui se rappelleront à son bon souvenir au moment du collectif  budgétaire et d’autres votes cruciaux de l’année.

On peut donc dire qu’un président issu du PS est mal placé pour appliquer une politique d’économies budgétaires, de rigueur ou d’austérité. M. Hollande s’est montré audacieux en choisissant un chef de gouvernement qui n’a jamais caché qu’il était prêt à engager une politique débarrassée de l’idéologie et qui tente d’expliquer aux dissidents de la gauche que, si la précédente politique économique et sociale n’a donné aucun résultat, c’est qu’il faut en faire une autre, c’est-à-dire la seule qui reste disponible : elle consiste à réduire le poids de l’État tout en diminuant les prélèvements obligatoires qui, en France, sont, après ceux du Danemark, les plus élevés d’Europe. Il s’ensuit l’idée extrême que M. Valls échouera nécessairement et même qu’il ne faut pas attendre la fin du mandat de M. Hollande. Du coup, l’UMP affirme qu’elle rejette toute cohabitation.

Un virage en épingle à cheveux.

Cependant, la cote de popularité désastreuse du président ne suffit pas à le priver de sa légitimité. Les Français l’ont élu pour cinq ans et il a le droit d’aller au terme de son mandat. S’il est vrai que le pays a perdu deux ans en tâtonnements coûteux, il n’est pas moins vrai qu’il ne peut pas se permettre de perdre encore trois ans. La nomination de M. Valls, son programme, le fait même que les gens les plus à gauche s’opposent à lui sont de nature à nourrir des espoirs de redressement du pays. Ces fameux 50 milliards, nombre magique invoqué comme une solution miracle, ne sont pas l’alpha et l’oméga d’une martingale imbattable. Ils décrivent plutôt un virage à 90 degrés de la politique économique et sociale. Ils placent le train de l’État sur les bons rails. Ils prennent la  direction nécessaire. Le voyage sera malaisé, mais l’essentiel, c’est d’aller vers l’objectif.

RICHARD LISCIA 

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2 réponses à Deux ans de hollandisme

  1. A3ro dit :

    Concernant l’analyse des municipales, je reste persuadé qu’il ne faut pas prendre en compte les abstentionnistes. Soit ils préféraient une politique plus à gauche, auquel cas il y aurait de bon scores du Front de Gauche ou d’EELV : ça n’a pas été vraiment le cas. Mélenchon n’a pas du tout profité de son opposition systématique au gouvernement.

    Mon avis est que les abstentionnistes, ancien votants pour Hollande, ont cru en ses promesses issues de la vieille gauche et se sont rendu compte qu’elles étaient irréalistes. Se pensant quand même à gauche, ils n’ont pas voulu voter pour la droite ou le centre. Valls est, à mon sens, la bonne réponse à ces gens là.

    Quand à la droite, ceux qui ont voté Sarkozy ne l’ont pas toujours fait de gaîté de cœur (j’en fait partie), mais étaient persuadés que Hollande ne pourraient pas réussir. Confortés dans leur jugement, ils l’ont fait savoir.

    Je pense que Hollande a fait quelques réformes qui porteront leurs fruits à long terme. Mais le manque évident de réalisme sur les retraites, le jour de carence, la réduction des dépenses, etc… et la recherche de « marqueurs de gauche » sapent profondément son action. J’espère que Valls va lui donner un coup de fouet.

    • Num dit :

      100% d’accord avec vous, notamment sur l’analyse des municipales.
      Les élections européennes avec une déroute historique à venir pour la gauche, toutes tendances confondues, vont le confirmer: les Français veulent une politique réaliste et efficace et se débarrasser des vieilles lubies socialistes idéologiques.

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