Obama est un « dur »

Des comportements incorrigibles
(Photo AFP)

Une nouvelle affaire d’espionnage a provoqué une crise sérieuse dans les relations germano-américaines. La chancelière Angela Merkel a ordonné l’expulsion d’un chef local de la CIA après la découverte de deux agents doubles. Les méthodes politiques, économiques et sécuritaires utilisées par les dirigeants américains envers leurs principaux alliés sont en train de saper la confiance mutuelle.

LA RÉPÉTITION  d’incidents plutôt graves entre les États-Unis d’une part, l’Allemagne, la France et d’autres pays de l’OTAN d’autre part, devient exaspérante. Mme Merkel, déjà offusquée d’apprendre un jour que son téléphone était sur écoutes américaines, n’a pas supporté, cette fois, que son gouvernement fût espionné par la CIA, comme s’il était l’ennemi de Washington. On dit souvent que l’espionnage entre amis ne date pas d’aujourd’hui, mais les divers précédents de la crise germano-américaine auraient dû tempérer les ardeurs des services de renseignements américains. Il n’en est rien. Pour une part, la CIA, la NSA et autres organismes se livrent à leur activité tous azimuts avec cynisme, en méprisant les convenances élémentaires et en refusant de comprendre que l’on ne traite pas ses alliés comme ses adversaires. Pour une autre part, le président Barack Obama, parfois considéré comme indolent face au problème, révèle un aspect de sa personnalité qui ressemble plus à celui d’un faucon qu’à celui d’une colombe.

Tout et son contraire.

Ce qui relativise d’ailleurs une analyse très courante selon laquelle le président américain ne sait pas prendre des décisions courageuses, hésite devant les dilemmes, et semble préférer ne pas savoir que les régions du monde qu’il voudrait éliminer de son agenda continuent à solliciter intensément l’Amérique. Il est vrai qu’on lui a reproché tout et son contraire : d’être intervenu en Libye mais pas en Syrie, de refuser de combattre le djihadisme sunnite en Irak, de n’avoir qu’une hâte : quitter l’Afghanistan. On lui a fait un procès au sujet de son usage immodéré des drones, aéronefs meurtriers qui détruisent les cellules terroristes mais font aussi des victimes civiles. Le fait est que M. Obama n’a pas supprimé le recours aux drones, même s’il s’en sert un peu moins souvent. Il n’a pas non plus réagi avec un zèle excessif à la colère des Européens écoutés par la NSA et tout laisse croire que nous sommes encore sous écoute. Il n’a pas levé le petit doigt pour secourir  la banque BNP-Paribas condamnée à 9 milliards de dollars d’amende par la justice américaine, en dépit des sollicitations de François Hollande. La répression des banques européennes qui ne respectent pas les lois américaines va même se généraliser. Il laisse les autorités de son pays réclamer pour les voyageurs qui se rendent aux États-Unis des mesures de sécurité supplémentaires. Il ne cherche pas à intervenir dans le débat fiscal qui oppose les multinationales américaines aux gouvernements européens.

Des gestes hégémoniques.

Qu’est que tout cela veut dire ? Principalement que les États-Unis dont on n’a pas fini de nous annoncer le déclin, utilisent tous les moyens dont ils disposent, à commencer par le dollar, monnaie de réserve, monnaie refuge, pour maintenir leur hégémonie. S’ils demeurent un très grand marché pour les productions asiatiques, ils entendent conserver ces formidables instruments de contrôle que sont les grandes sociétés Internet, réserves inépuisables de renseignements de toute nature. Cette stratégie du plus fort ne va pas sans quelques atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés. Mais Barack Obama observe l’état du monde avec lucidité : la Chine bénéficie du libre-échange sans l’appliquer à elle-même ; la Russie mène dans son pré-carré une politique de force ; quant aux Européens, ils sont victimes de leurs faiblesses et de leur incapacité à constituer un grand ensemble.

Ce n’est pas en dénonçant verbalement les méthodes de Washington que l’Europe se protègera contre les assauts américains, russes ou chinois mais en poursuivant sur la voie de l’intégration, seule capable de lui donner un poids qui sera respecté.  Avec tous ses partenaires, y compris cet Obama finalement inquiétant, un rapport d’égal à égal est indispensable. Par exemple, une plus grande coopération des services secrets européens pourrait éviter à Mme Merkel d’autres déconvenues si elle permet de mieux se défendre contre les intrusions américaines. Au moment où Européens et Américains négocient un vaste accord de libre-échange, l’occasion est toute trouvée pour dire leur fait à nos amis américains.

RICHARD LISCIA 

 

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