La stratégie de Juppé

Le marathon à 69 ans
(Photo AFP)

Alain Juppé s’est déclaré hier candidat de l’UMP à la primaire de l’élection présidentielle de 2017. Il semble avoir pris de court Nicolas Sarkozy qui ne voulait pas annoncer sa candidature avant septembre ou même plus tard. Le maire de Bordeaux dispose d’atouts considérables : sa popularité (il est premier au hit parade politique), son expérience (il a été Premier ministre et ministre des Affaires étrangères deux fois) et sa capacité à rassembler la droite et le centre, condition sine qua non d’une victoire.

M. JUPPÉ présente aussi des faiblesses : en gros, les militants de l’UMP, qui formeront les bataillons de la primaire, lui préfèrent M. Sarkozy. Il aura près de 72 ans au moment de l’élection présidentielle dans moins de trois ans, ce qui suppose qu’il ne sera élu que pour un mandat. Il n’a pas le charisme et le dynamisme de l’ex-président. Il rassurera néanmoins toux ceux qui, à droite ou au centre, n’ont jamais compris que M. Sarkozy ait tenté de concurrencer le Front national en 2007 et 2012. Il a une aura de vieux sage et il apporte une garantie de compétence et de sérieux dans un moment de l’histoire où la France est déprimée, dans tous les sens du terme.

Ratisser large.

Sa stratégie est claire : loin de proposer des idées empruntées à l’extrême droite, il entend appliquer une politique susceptible de séduire le centre et même l’électorat de gauche qui a été déçu par François Hollande. Ce n’est pas un hasard si François Bayrou s’est félicité de l’annonce de la candidature de M. Juppé. Les deux hommes entretiennent d’excellentes relations personnelles. L’ancien Premier ministre a soutenu M. Bayrou pendant sa campagne pour la mairie de Pau en mars dernier, mairie que le président du MoDem n’a emportée que parce que le candidat UMP s’était retiré de la course. Cela n’empêche pas nombre de militants UMP de considérer que M. Bayrou, éternel candidat à la présidence, a trahi la droite quand, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, il s’est prononcé en faveur de François Hollande, effaçant d’un seul mot la signification même du centrisme qu’il incarnait. En revanche, si les deux hommes s’associaient dans une vaste entreprise de rassemblement de la droite, ils seraient crédibles. Ce qui implique que M. Juppé ne pourrait, alors, ignorer le service que M. Bayrou lui aurait rendu et qu’il devrait lui renvoyer l’ascenseur, sous la forme possible d’une très haute fonction.

La primaire, une quasi-certitude.

D’ici là, les incertitudes sont assez nombreuses pour que ce scénario ne se vérifie pas. D’abord, il est impossible que M. Juppé se débarrasse aussi vite de M. Sarkozy, qui reviendra dans la course avec l’ardeur qu’on lui connaît, assortie de la volonté probable de régler ses comptes avec ses amis avant de vaincre ses ennemis. Il n’empêche que l’ancien Premier ministre vient de contraindre littéralement l’ancien président de la République à passer par la primaire de l’UMP, parce que lui non plus, face à la candidature d’un homme aussi important que M. Juppé, ne pourra obtenir l’intronisation de l’UMP par le seul pouvoir du verbe. C’est déjà une éventualité que M. Sarkozy entendait écarter par tous les moyens mais qui devient fatalité. D’autant qu’il y aura d’autres candidats, notamment ceux qui se sont déjà déclarés, par exemple François Fillon, lequel, toutefois, ne bénéficie pas de la popularité de M. Juppé et dont les chances viennent de diminuer.

L’offre politique de l’ancien Premier ministre conviendra à tous ceux qui, à droite, ne souhaitent pas que l’UMP aille brouter sur les terres du Front national et voient d’un bon oeil une alliance droite-centre dont François Bayrou ne serait plus l’homme-lige. En outre, M. Juppé sera le mieux placé pour remettre de l’ordre dans un parti que Jean-François Copé a plongé dans le chaos. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : la primaire de l’UMP risque d’être une foire d’empoigne avec assez de candidats pour donner le vertige aux électeurs. Il existe au sein de l’UMP une droite dure qui hait M. Bayrou. Pour aller au bout du parcours qu’il va s’infliger, Alain Juppé devra avoir du coffre, du coeur et refouler durablement la tentation de Venise.

RICHARD LISCIA

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