Crise politique majeure

Valls-bis
(Photo AFP)

Manuel Valls a remis la démission de son gouvernement ce matin à François Hollande, à la suite des déclarations  qu’ont faites Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, et  Benoît Hamon, ministre de l’Éducation, durant le week end, dans le cadre de la « Fête de la rose ». Les deux ministres se sont déclarés ouvertement hostiles à la politique du gouvernement. Le premier gouvernement Valls n’aura donc duré que cinq mois.

SANS DOUTE le chef de l’État et le Premier ministre ont-ils jugé que la coupe était pleine et qu’il était temps de mettre un terme à un débat idéologique qui ne cesse d’infecter la majorité depuis plus de deux ans et qui a rompu hier l’unité gouvernementale. Quelles que soient les motivations d’Arnaud Montebourg, le coup qu’il a porté à la cohérence du gouvernement était sévère et ne pouvait, cette fois, rester sans réponse. L’ex-ministre de l’Économie n’ignorait pas à quoi il s’exposait et son départ n’est probablement, à ses yeux, que le début d’une nouvelle carrière. On le laissera à ses calculs qui n’intéressent que sa personne. On s’inquiètera davantage des périls auxquels cette nouvelle aventure politique expose la France, qui n’aura jamais été aussi mal en point en temps de paix, affligée qu’elle est désormais par une triple crise, économique, sociale et, maintenant, politique.  Car la formation d’un gouvernement-bis de M. Valls ne règlera aucun des problèmes qui minent le pays : Manuel Valls, quand il aura constitué sa nouvelle équipe, devra obtenir la confiance du Parlement, ce qui ne sera pas automatique puisque MM. Montebourg et Hamon ne sont pas seuls, qu’ils bénéficient du soutien des « frondeurs » de la majorité et que, tapie à Lille, Martine Aubry observe la situation comme un empereur romain prêt à  signifier son  exécution au gladiateur vaincu.

Une caricature de l’Allemagne.

M. Montebourg s’est livré, non sans témérité, à une acrobatie que ses convictions politiques ne suffisent pas à expliquer : quelques-unes de ses revendications, et pas les moindres, ont été satisfaites par la conjoncture. L’euro a baissé, la politique économique générale de la zone euro s’est considérablement adoucie et un consensus existe désormais entre ses membres pour que la gestion des dettes nationales soit plus lente et plus prudente. M. Montebourg fait de l’Allemagne une sorte de primum inter pares et de la chancelière Angela Merkel une femme autoritaire, dont la France doit s’affranchir pour conduire à sa guise une politique économique qui doit s’appuyer aussi sur la demande. Mais le président Hollande, en décidant des baisses d’impôts, a déjà tenu compte des réclamations de l’ex-ministre de l’Économie. En réalité, on ne sait plus si le programme du président est du lard ou du cochon. Il emprunte à peu près à tous les dogmes, ce qui fait d’ailleurs qu’il n’a abouti, à ce jour, à aucun résultat. Bref, la majorité socialiste n’a laissé aucune chance à M. Valls de réussir.

Le risque de la dissolution.

La vigoureuse réponse de MM. Hollande et Valls n’en est pas moins hasardeuse. Pour imposer leur programme, aussi confus qu’il soit, il leur faut une majorité et personne ne peut dire, à l’heure qu’il est, comment réagiront les députés PS quand Manuel Valls posera la question de confiance à l’Assemblée. Dans cet embrouillamini d’idées en conflit, il y a tant de légèreté, face à une crise qui mérite un minimum de sérieux et, surtout, de constance, qu’on peut craindre maintenant ce à quoi on ne croyait pas encore hier, c’est-à-dire à une dissolution de l’Assemblée, à des élections législatives anticipées et, peut-être, à un gouvernement de cohabitation, lequel ne représenterait pas la meilleure formule pour combattre la crise financière et économique quand on connaît le poids accablant de nos déficits. La France (et c’est pourquoi l’Allemagne est plus sévère avec nous qu’avec d’autres) est très en retard dans sa lutte contre l’endettement et pour le retour à l’équilibre budgétaire. Et ce retard menace l’ensemble de la zone euro.

Le président et le Premier ministre, chargé de reconstituer une équipe, sont peut-être convaincus qu’ils tiennent, avec l’algarade de Montebourg, une occasion unique d’amener à résipiscence les frondeurs et autres députés qui ne cessent, depuis trop longtemps, d’exposer leurs états d’âme. Les dissidents ont trop vite oublié qu’ils tiennent leur mandat de la victoire de François Hollande en 2012, surtout les jeunes et les plus indociles. Une menace de dissolution apparaîtrait bien sûr comme le risque, pour eux, de perdre leur siège et alors ils rentreraient dans le rang. C’est, pour MM. Hollande et Valls, le scénario le plus optimiste, mais pas le plus sûr, car les socialistes, depuis 2012, ont démontré amplement leur aptitude au suicide.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Crise politique majeure

  1. N’y a-t-il pas un lien entre le retrait de Jean-Luc Mélenchon et celui d’Arnaud Montebourg ? Il faut bien canaliser « la gauche du PS », seul réel rempart contre le FN. Et puis il n’est pas dénué d’intérêt pour certains de préparer 2017 (Alain JUPPE a ses chances), voire 2022.

    En 2012, le PS avait tous les pouvoirs. Les Français-e-s n’aiment pas cela. Louis XVI s’est-il autolysé ? Pas certain.

    Quant aux résultats de François Hollande, avouons que deux ans, ce n’est pas long pour redresser un énorme paquebot, dont le sur-endettement ne date pas d’hier et qui reste englué dans la mondialisation.

  2. Delteil christian dit :

    Quel gâchis et quelle honte devant le monde entier. Pourquoi M. Hollande a-t-il mis à ce poste M. Montebourg dont il connaissait fort bien les idées et dont il savait qu’un jour ou l’autre il provoquerait un clash ? La preuve en est qu’aujourd’hui il nomme à son poste un banquier à gauche certes, mais pas affilié au parti et dont il apprécie les idées social-démocrates. C’est prendre le bâton pour se frapper. Pourquoi perdre cinq mois de plus dans ces conditions? Totale inconscience, total amateurisme. Alors, pour se donner l’illusion qu’il fait quelque chose, il commémore à tours de bras et continue à discourir sous la pluie et dans le vent.

  3. dogeko dit :

    J’ai la sensation, à tort ou à raison, que l’épisode politique actuel est prémédité depuis assez longtemps, sans doute depuis la nomination de M. Valls, (voire avant), avec toute cette mise en scène. M. Hollande, conscient de la gravité de la situation ( ou bien l’ayant -enfin?- comprise) de ce pays et de la sienne propre et à l’affût d’un épisode politique favorable fortuit ou provoqué, a sauté sur l’occasion de modifier sa stratégie, à l’abri derrière M. Valls, en donnant le moins possible l’impression de se contredire par rapport à ses déclarations électorales, mensongères ou incompétentes. Ou bien, comble du machiavélisme politique, ne l’avait-il pas déjà dans la tête dès cette époque? La suite et l’histoire nous le diront sans doute.

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