Merkel fait la moue

Angela à Manuel : peut mieux faire
(Photo AFP)

En se rendant à Berlin, Manuel Valls ne pouvait pas croire qu’il allait obtenir, au-delà de quelques paroles apaisantes sur les « efforts ambitieux » de la France, un satisfecit sur une politique économique et financière qui a largement échoué. Il a évité le pire : la chancelière Angela Merkel n’a pas voulu refroidir des relations franco-allemandes qui, déjà, ne sont pas vraiment au beau fixe. Le passage devant la commission de Bruxelles sera-t-il plus facile ?

NOTRE Premier ministre est dans une situation impossible : la stagnation absolue de l’économie française pendant six mois, et les plus que médiocres perspectives de croissance pour le reste de l’année le privent des instruments qui lui auraient permis de résorber partiellement le déficit budgétaire. Il s’est donc rendu en Allemagne pour expliquer à la chancelière qu’une fois de plus la France ne tiendrait pas ses engagements ; et que, puisque le problème, c’est l’absence de croissance, il faut injecter des sommes considérables dans de grands projets européens qui relanceraient l’activité économique.

Mauvais élève.

Mais le problème français est spécifique. Il se situe dans la lenteur de la mise en oeuvre des mesures destinées à diminuer la dépense publique, qui ne commenceront à être appliquées qu’à partir de l’année prochaine dans un contexte économique particulièrement déprimé. Nous sommes certes pris à la gorge par la récession, terrain stérile de la réforme. Mais nous avons lambiné, nous continuons à voter de nouvelles dépenses et notre déficit budgétaire, au lieu de se réduire, augmente. Nous représentons donc un danger pour les équilibres fondamentaux de toute l’Europe et nous inquiétons nos partenaires qui, tous, ont fait des efforts plus sérieux que les nôtres. Notre politique n’est plus à la hauteur de la « deuxième économie européenne »; nous ne cessons de réclamer délai sur délai et nous sommes, en dépit de la dignité de M. Valls, dans la position du mauvais élève de la classe.

Le rôle de Draghi.

Mme Merkel, de son côté, est relativement isolée : elle s’appuie essentiellement sur son parti et sur son ministre des Finances, Wolfgang Schaüble, très conservateur lorsqu’il s’agit d’équilibrer les comptes et qui n’est pas hostile à un peu d’austérité. François Hollande a espéré trouver dans le SPD (socialistes allemands), qui fait partie de la coalition  gouvernementale, un interlocuteur plus indulgent. Mais il ne faut jamais oublier que c’est le SPD qui a réformé, et avec quel succès, l’économie allemande. La chancelière est néanmoins discrètement combattue par Mario Draghi, le président italien de la Banque centrale européenne, qui a réussi à faire baisser l’euro en écrasant les taux d’intérêt et distribue des sommes folles aux banques européennes à des taux ridicules. Il n’est pas non plus impossible que le nouveau président de la commission européenne, le Luxembourgeois  Jean-Claude Juncker, accepte de mettre en oeuvre un plan européen de grands travaux pour relancer la misérable croissance européenne.

De droite ou de gauche, là où nous sommes les meilleurs, c’est dans la procrastination. Il est bon que M. Valls s’efforce de réanimer une coopération franco-allemande indispensable au dynamisme européen. Il est bon que l’Europe, en se restructurant, comme elle l’a fait avec la renouvellement de son haut personnel, trouve des idées nouvelles pour cesser d’être ce continent qui alarme la Chine et les États-Unis, inquiète le Fonds monétaire international et disparaît des écrans radars des hautes technologies mondiales. Il serait bon que, de surcroît, la France soit exemplaire en matière de déficits, de dette et de réforme. Aujourd’hui, la souveraineté, la liberté, l’indépendance tiennent à la vigueur d’une économie.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Merkel fait la moue

  1. gautrin dit :

    Que la Chine et les États-Unis s’inquiètent de ce qui se passe en France à maints égards ne doit pas surprendre ; si notre économie et nos finances viennent à faire défaut en ne pouvant plus emprunter sur les marchés , c’est toute l’Europe qui coule et dans son sillage toute la planète financière, dans une crise d’une toute autre envergure que la crise de 2008. C’est bien pourquoi on continue à nous prêter à des taux anormalement bas.

  2. A3ro dit :

    On peut dire ce qu’on veut de Hollande et de Sarkozy. La vérité, c’est que la crise et une opinion publique pas vraiment compréhensive ne leur ont pas tellement permis de les engager, les réformes.
    A mon avis, on a raté le coche il y a dix ans, quand l’Allemagne les faisait, ses réformes, sous l’ère Chirac. Et c’est vrai qu’à moins de redémarrer la croissance, il va être compliqué de faire des choses douloureuses sans compromettre l’économie française pour une décennie.
    Il faudrait que nos dirigeants aient un peu de temps devant eux et des prévisions de croissance avec un peu d’horizon, pour pouvoir sereinement décider ce qu’il faudrait faire.

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