Les déchirements de l’UMP

Juppé, force tranquille
(Photo S. Toubon)

Samedi dernier, à Bordeaux, Alain Juppé accueillait Nicolas Sarkozy, venu dans le cadre de sa campagne électorale pour la présidence de l’UMP. Il a prononcé un discours d’ouverture dans lequel il a répété qu’il était hostile à l’abrogation de la loi sur le mariage pour tous, ce qui lui a valu les huées de l’assistance. M. Sarkozy ne s’est pas levé pour faire taire les perturbateurs, abstention qualifiée d’ « inélégante  » par la presse. Plus tard, l’ancien président a souligné l’importance de M. Juppé pour le parti.

DE CET INCIDENT, qui relève pourtant de la normalité politique contemporaine, les médias ont fait des gorges chaudes. Pour ma part, j’en tire trois constats : d’abord, M. Sarkozy a perdu certains réflexes : il se serait porté au secours immédiat de M. Juppé qu’il aurait aussitôt réduit les militants au silence, sans que sa propre stature en eût été diminuée. Ensuite, la présidence de l’UMP n’est qu’un passage ; le vrai sujet c’est 2017. Enfin, la droite n’est pas seulement déchirée par sa guerre des chefs, elle l’est aussi au niveau des idées.

L’homme le plus populaire de France.

M. Juppé, qui ne manque pas de courage, a réaffirmé, avant de terminer son speech, qu’il était favorable à un élargissement de la droite au centre, y compris lors de la primaire de 2016. Selon tous les sondages, il est l’homme politique le plus populaire de France. Jour après jour, il devient un obstacle de plus en plus encombrant aux ambitions de M. Sarkozy, dont on dit qu’il a raté sa rentrée politique, par ailleurs prématurée, et qu’il semble avoir perdu son savoir-faire, notamment quand, une semaine auparavant, il a fini par dire à une salle également surchauffée ce qu’elle voulait entendre à propos de mariage pour tous.

M. Juppé n’est pas né de la dernière pluie et il sait très bien que, lorsqu’on se situe à un sommet de popularité au début d’une campagne électorale, on risque de la finir au plus bas. Édouard Balladur en a fait l’amère expérience en 1995. Pour ma part, je ne crois pas que le passé commande l’avenir. Ce qui se passera en 2017 n’aura rien à voir avec ce qui s’est passé il y a 19 ans. Les difficultés du pays sont autrement plus grandes qu’alors et, si quelqu’un peut réformer l’économie et l’État, c’est bien le Premier ministre lucide de 1995 qui voulut astreindre la France à une cure de désintoxication, mais qui hélas, avait raison trop tôt, dans un pays qui ne concevait pas la notion de sacrifice. Sous la pression des syndicats, il a dû renoncer. Il reste néanmoins le modèle du réformateur.

Le refus du populisme.

Ce qui le freine, ce n’est pas son bagage politique et son expérience. C’est qu’il est décidé à ne faire aucun compromis sur le fond ou dans la forme. Il est incapable de plonger dans le populisme comme le fait M. Sarkozy. M. Juppé a eu la prémonition qu’il valait mieux pour lui de ne pas présenter sa candidature à la présidence de l’UMP. Il savait qu’il ne résisterait pas au bulldozer Sarkozy, lequel l’emportera sans doute contre Hervé Mariton et Bruno Le Maire, mais espère un score plébiscitaire car, de toute évidence, il ne pense qu’à l’essentiel, 2017. Malheureusement, l’écueil qu’Alain Juppé a évité en s’abstenant de faire campagne pour la présidence de l’UMP, il le retrouvera dans la course à l’Élysée. Même si la primaire est élargie au centre, le barrage Sarkozy ne sera-t-il pas infranchissable ? Objectivement, M. Sarkozy devrait préférer une primaire limitée à l’UMP, car on ne voit ni l’UDI, ni le MoDem acclamer l’ancien président, alors que MM. Juppé et Bayrou ont déjà établi des liens solides. Il y aura donc un affrontement sur la nature même de la primaire, selon qu’elle sera plus favorable à l’un ou l’autre des deux candidats. Comme dirait M. Raffarin, la course sera longue.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Les déchirements de l’UMP

  1. lionel dit :

    Malheureusement, ce que je commentais il y a quelques semaines ne fait que se confirmer : Nicolas Sarkozy n’est capable que d’une politique de la terre brûlée, peu importent les dégâts tant que cela sert ses desseins. Sa passivité de samedi dernier n’est que le reflet de sa haine envers Alain Juppé qui aujourd’hui lui vole la vedette, il va donc tout faire pour éviter les primaires (qu’il perdrait face à Alain Juppé) en faisant exploser l’UMP.
    Il appartient maintenant aux cadres, adhérents et sympathisants de l’UMP d’ouvrir les yeux et (enfin) de s’apercevoir que Nicolas Sarkozy ne leur apportera rien (Cf historique de toutes ses défaites) et ne fera que tout diviser. Tout le contraire d’un Alain Juppé qui ne fracturera pas la société Française tout en ayant le courage de la gouverner et de la réformer comme il y a 19 ans.
    PS : bonne chance à Bruno Le Maire pour les élections à la tête de l’UMP, il fera un excellent Premier ministre.

  2. Dr Ivana Fulli dit :

    Seuls les partis politiques qui auront le courage de renouveler leurs dirigeants en ne sélectionnant que des élus irréprochables ( n’ayant jamais eu de condamnation judiciaire ni d’amitiés douteuses ) et quadragénaires ou quinquagénaires au plus pour les plus hautes fonctions, auront quelques chances de réconcilier les très nombreux jeunes Français abstentionistes avec la politique, à mon humble avis.
    Cette solution pourrait aussi faire espérer que d’autres Français ne cèdent pas aux sirènes des politiques extrêmes.
    C’est aussi nécessaire pour que les citoyens acceptent de déclarer correctement leurs revenus ainsi que des réformes qui les obligent à se serrer la ceinture dans l’intérêt de leurs enfants et petits-enfants.
    Que des vieux sages restent maires ou députés, pourquoi pas ? Mais la direction du pays et des partis demande du sang neuf et un passé au-dessus de tout soupçon d’abus de l’argent des contribuables.

  3. JPM dit :

    Effectivement, notre éditorialiste préféré fait beaucoup de commentaires judicieux.
    Mais mettre l’accent sur les côtés excessifs ou insuffisants des uns et des autres est toujours bien, sauf à oublier l’essentiel! a
    L’important, après la rose, c’est de se rappeler que nous sommes tous sur le même bateau!
    (appelé la France, en principe). Alors qui est capable de quoi l’heure actuelle?
    Investigations difficiles, mais nécessaire…Et c’est ce que nous attendons de nos journalistes, même ceux que nous aimons bien, de notre quotidien…et pas trop du suivi du « son de cloche » médiatique , orchestré et « faisant croire que » auquel nous ont trop souvent habitué nos médias, ces dernières années.
    Résultat actuel.

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