USA-Cuba : accord historique

Obama prend des risques
(Photo AFP)

Tous ceux qui affirment qu’ils savaient tout du rapprochement spectaculaire entre les États-Unis et Cuba mentent comme des arracheurs de dents. Le secret a été parfaitement gardé. L’Amérique va lever partiellement l’embargo sur Cuba, un Américain détenu à la Havane a été libéré, quelque dizaines de dissidents cubains sont sortis de prison, Raul Castro (le frère de Fidel) a annoncé la nouvelle donne exactement à la même heure que Barack Obama.

L’EMBARGO américain dure depuis plus d’un demi-siècle et, par la force des choses, il est devenu caduc et peu adapté à la proximité géographique entre Cuba et les États-Unis. Il fallait lui substituer une dynamique diplomatique qui tînt compte de la volonté du régime cubain de se moderniser, ce qu’il a fait partiellement en matière économique, sinon politique. Il fallait aussi donner un espoir aux Cubains, dont beaucoup vivent dans la misère parce que le pouvoir castriste est incapable de leur donner du travail ou de leur payer un salaire convenable.

Obama gouverne.

Des élections législatives ont eu lieu en novembre aux États-Unis et elles se sont soldées par la perte de la majorité démocrate au Sénat (les démocrates ne l’avaient plus à la chambre des Représentants). On en avait tiré la conclusion hâtive qu’Obama était « fini », qu’il serait un lameduck president (canard boiteux) pour le restant de son mandat et qu’on allait assister à une longue apathie de l’exécutif américain. Il n’en est rien. Maintenant, on dit que Barack Obama n’aura jamais la majorité au Congrès pour lever l’embargo. C’est possible, mais il n’en demeure pas moins que M. Obama a pris un risque qui témoigne de sa volonté de gouverner jusqu’au dernier jour de son second et dernier mandat présidentiel.

On a beaucoup évoqué l’influence du pape François au cours de la période qui a précédé l’annonce de l’accord. Je ne lui nie nullement cette influence, mais il n’aurait pas obtenu le rapprochement américano-cubain si le président Obama avait préféré pantoufler à la Maison Blanche. Quant au pouvoir cubain, il a certes donné des gages, mais s’il avait en face de lui un  président républicain, il aurait pu sonner indéfiniment à la porte de la des États-Unis sans obtenir de réponse. J’insiste donc sur le courage politique de M. Obama.

C’est Castro qui en profite.

J’ajoute que je suis très partagé sur la détente entre les deux pays. M. Obama a dit qu’il faisait avec Cuba ce que Nixon et Kissinger ont fait avec la Chine de Mao. Il n’empêche que les castristes n’ont pris aucun engagement politique. Quand on sait que Fidel Castro (88 ans) est remplacé par son  frère Raul, qui a seulement cinq ans de moins que lui, que la famille (il y a une fille qui risque un jour de revendiquer le pouvoir) règne sur l’île depuis 55 ans, que Castro est un dictateur qui exerce un pouvoir totalitaire auquel il n’a apporté que des amendements cosmétiques, on peut craindre que le rapprochement avec les États-Unis profite aux communistes cubains plus qu’au peuple.

La comparaison avec la Chine peut même être approfondie. La normalisation des relations entre Pékin et Washington a fait de l’Amérique le marché numéro des exportations chinoises et a garanti à la Chine communiste une prospérité qui fait d’elle  la première puissance économique du monde (si on raisonne non en PIB mais en pouvoir d’achat). Mais le régime chinois a-t-il pour autant changé de nature ? Est-on plus libre en Chine en 2014 qu’il y a trente ans ? La croissance n’a-t-elle pas créé de fortes inégalités et favorisé les rentes de situation, sans parler de la corruption ? Je crains fort que la détente entre Cuba et l’Amérique n’apporte pas aux Cubains le soulagement qu’ils méritent au bout de cinq décennies d’oppression.

RICHARD LISCIA

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