Paradoxes post-attentats

Des Maliens contre Charlie
(Photo AFP)

Au Niger, les émeutes qui ont suivi la publication de Charlie Hebdo ont entraîné la mort de dix personnes et des dégâts matériels importants ; au Mali et dans beaucoup de pays musulmans, notamment en Turquie et au Pakistan, des manifestations anti-Charlie ont eu lieu. Dans cette réaction internationale, qui a été largement manipulée par les fondamentalistes, les pays les plus surprenants sont le Mali et le Niger où des militaires français sont morts pour les protéger contre l’intégrisme, la charia et autres sinistres modes de vie.

NON SEULEMENT il y a de l’ingratitude dans cette flambée de colère anti-française, mais il y a beaucoup d’hypocrisie : quelques chefs d’État ou de gouvernement africains ont participé à la marche républicaine du 11 janvier pour la liberté d’expression, celle-là même qu’ils n’appliquent guère sur leur sol. Je ne crois pas que la « colère » des manifestants ait la moindre signification, sauf  l’attaque contre le centre culturel français à Gaza, qui suffit à définir le Hamas, avec qui nous essayons de pactiser. Les gouvernements africains ont été dépassés par des forces qui leur sont hostiles. Ceux du Pakistan ou de la Turquie ont un agenda compliqué et contradictoire. On ne peut pas dire que la liberté y règne. Celui de la Tchétchénie (le dictateur, Ramzan Kadyrov, a réuni 800000 manifestants dans la capitale, Grozny, qui en compte 200 000 ; il combat l’intégrisme avec une férocité exceptionnelle) rend probablement un petit service à Poutine, qui veut que nous lui livrions les deux navires de guerre Mistral que nous avons construits pour lui.

Misère et ignorance.

Ces menaces à la fois inquiétantes et lointaines ne doivent pas modifier notre comportement. Il n’est pas question de demander à Charlie Hebdo de modérer sa ligne. Elles montrent néanmoins sur quel terreau de misère et d’ignorance fleurit le terrorisme intégriste. Et comment des gouvernements s’en servent pour dévier vers un pays avec lequel ils ont parfois des relations d’importance vitale les haines recuites de foules privées de tout. Comment l’impéritie des mêmes gouvernements contribue à entretenir l’intolérance, alliée principale du totalitarisme. Comment ce que nous faisons pour tous ces peuples représente une tâche de Sysiphe et reste insuffisant.

Nommer l’ennemi.

Notre adhésion aux libertés ne doit pas pour autant affecter notre diplomatie. Je ne suis pas sûr que la provocation systématique par la caricature soit le meilleur moyen d’entretenir de bonnes relations avec les pays musulmans. Mais, en même temps, il ne faut pas se leurrer : comme François Hollande, nous devons nommer l’ennemi, le désigner pour mieux le combattre. Les fanatiques n’ont pas attendu qu’un journal à tirage confidentiel les provoque pour s’acharner contre la France. Ils lui en veulent parce qu’elle les freine dans leur folle conquête du monde et qu’elle participe à l’effort international pour les réduire ou les détruire. La voie qui s’ouvre devant nous est semée d’obstacles : nous devons à tout prix protéger la majorité des musulmans de France qui récusent la violence, mais nous ne pouvons pas inventer une phraséologie parsemée d’euphémismes pour appeler un terroriste islamiste qui n’a pas d’autre nom que celui-ci.

Il existe toutes sortes de mouvements musulmans voués à la destruction des structures et institutions des pays démocratiques occidentaux. Ils sont variés, mais le même fil traverse leur action, leurs concepts, leur philosophie : la violence et la terreur en tant que moyens de nous asservir. Ne les confondons jamais avec des mouvements de libération nationale, comme nous avons eu trop tendance à le faire pendant des décennies.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Paradoxes post-attentats

  1. Robert SAINT-JACQUES dit :

    Rien d’étonnant à ces manifestations de haine envers nos valeurs héritées de plusieurs siècles de réflexion et de maturité – non encore partagées par tous sur notre territoire – et envers notre pays qui, entre autres, les porte et les protège, en particulier au Mali et au Niger.

    Ces manifestations sont le fait d’une minorité active et ne doivent en rien changer notre détermination à défendre nos idéaux ici, au quotidien, et ailleurs, autant que faire ce peut, dans la mesure de nos possibilités tout en faisant en sorte qu’une politique européenne, digne de ce nom, soit rapidement mise en place avec les moyens ad hoc qu’elle sous entend.

    Etre « Charlie » ce n’est pas forcément faire sienne une ligne éditoriale, c’est défendre la liberté d’expression qui n’est que l’un des aspects de la Liberté à laquelle nous sommes tant attachés. Liberté que nous défendons et que nous défendrons, puissions nous en avoir et/ou nous en donner les moyens, contre tout obscurantisme et toute tyrannie.

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