Haro sur le boulanger

La main à la pâte (Photo AFP)

La main à la pâte
(Photo AFP)

Stéphane Cazenave est un boulanger de 41 ans qui travaille à Saint-Paul-lès-Dax. C’est une affaire qui roule : M. Cazenave a embauché 22 employés. Une bonne petite PME, dont le secret est sans doute la qualité de son pain et de ses pâtisseries, mais aussi son extraordinaire disponibilité : elle est ouverte sept jours sur sept. Ce qui a déplu, forcément, à d’autres boulangers, si bien que le préfet a fait jouer un arrêté préfectoral du 25 mars 1999 qui oblige les boulangeries à fermer au moins un jour par semaine.

VOUS ALLEZ me dire que cette histoire ne vaut pas tripette et que j’aurais dû vous entretenir de la guerre en Ukraine ou du rapport de la Cour des comptes. Mais l’affaire est symbolique d’un état d’esprit franchouillard qui fait courir le pays à sa perte. M. Cazenave n’est d’ailleurs pas un boulanger qui, la tête dans son pétrin, ignore tout du contexte économique national dans lequel il s’efforce de prospérer. Il savait pertinemment à quoi l’exposait son choix d’ouvrir tous les jours. Il a même veillé à respecter toutes les lois sur le travail. S’il a 22 employés, ce n’est pas seulement parce qu’il fait un chiffre d’affaires à faire pâlir d’envie ses concurrents, mais parce qu’il doit assurer le roulement des équipes de vente sept jours par semaine.

La préférence du chômage.

Sa mésaventure, même s’il l’a souhaitée, relève du débat sur l’ouverture des magasins le dimanche. À l’Assemblée, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a toutes les peines du monde à faire adopter une disposition qui permettrait aux grands magasins d’ouvrir douze dimanches par an au lieu de cinq. Il affronte une levée de boucliers syndicale sans précédent. La France est ce pays où les syndicats se battent pour la non-création d’emplois. Cela s’appelle la préférence du chômage, le meilleur des mondes syndicaux étant celui où l’on travaille le moins possible et où l’on indemnise les chômeurs par millions et indéfiniment. Sauf que nous n’avons plus un sou de plus à verser dans ce tonneau des Danaïdes qu’est le filet social et que nous ne nous en sortirons pas si nous n’apprenons pas à travailler plus, à produire plus et à meilleur marché et à créer des emplois.

Un héraut de la « bonne » économie.

M. Cazenave est devenu, du jour au lendemain, le héraut de la réalité économique en France. François Bayrou, François Fillon et Alain Madelin lui ont apporté leur soutien. Il réclame une négociation pour mettre un terme à l’arrêté préfectoral. Il tente de changer les choses à partir de sa mini-entreprise. Il est courageux, ses employés sont ravis de travailler sous ses ordres, mais voilà, il est aussi la bête noire de tous ceux qui, dans notre cher et beau pays, n’ont d’amour que pour le farniente, la passivité, les habitudes bien ancrées, le conservatisme le plus ravageur. Le 11 janvier dernier, des millions de Français ont manifesté en faveur de la liberté d’expression. Il serait également souhaitable que nous réclamions la liberté de travailler comme bon nous semble. Il serait temps de faire du travail non pas une corvée mais un bonheur. Il serait temps de laisser les petits patrons innovants développer leur PME. Il serait temps que les règles, les codes, les lois cèdent la place à la création, au dynamisme, à la vente, à l’achat. Il serait temps qu’on fiche la paix à ceux qui, loin de dormir sur leurs deux oreilles, représentent notre dernière chance de sortir la France de l’ornière.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Haro sur le boulanger

  1. Alan dit :

    Merci pour cet article, tout à fait d’accord !

  2. Candide dit :

    D’accord pour libérer les énergies, les initiatives, et réduire le plus possible le carcan bureaucratique, mais : il ne faut pas aboutir à des excès inverses : nos employés et nos patrons de PME taillables et corvéables à merci ; surtout, que cet arbre ne serve pas à cacher la forêt des faillites induites par la concurrence déloyale (multinationales, travailleurs détachés ; charges sociales, salaires, réglementations diverses aboutissant à une concurrence létale pour nos entreprises).

  3. jlL dit :

    Si vous me permettez cette analogie, il existe une similitude entre les maladies auto-immunes (où les anticorps se retournent contre l’individu) et … les syndicats voire les politiques qui entravent la liberté de …travailler et pérennisent ainsi une « maladie ».
    Effet assurément non recherché au départ, mais quand même.
    A ce niveau de connerie , que reste-t-il à faire ?
    J’ai même envie de crier « je suis Cazenave » !

  4. Delteil christian dit :

    Vraiment je me demande comment de tels idioties peuvent être faites par une administration responsable. Mais le nivellement par le bas n’est il pas la regle chez nous?

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