JE SUIS persuadé que le débat et ses conséquences judiciaires ne sont pas négligeables et que le recours à la violence contre leurs enfants par les parents français, pour autant que la fessée soit fréquente ou réellement douloureuse, en dit long sur les limites de nos méthodes éducatives. Je reste néanmoins dubitatif quant à une procédure lancée par une ONG de Grande-Bretagne, ce pays qui accommode l’Europe à ses propres sauces et devrait, avant de s’en servir pour nous juger, en appliquer les règles avec un peu plus d’enthousiasme. Je me demande enfin si livrer le thème de la fessée à une organisation regroupant 47 pays aux usages et moeurs très différents va vraiment unifier l’éducation des enfants européens.
Non à une loi nouvelle.
Secrétaire d’État à la Famille, Laurence Rossignol a déjà indiqué qu’il n’est pas question pour la France d’adopter une nouvelle loi contre la fessée. Celle-ci pose à notre inconscient collectif un problème d’autant plus aigu que nous nous sentons tous coupables, à un moment ou à un autre, mais jamais systématiquement, d’avoir infligé une fessée à nos enfants quand ils étaient trop turbulents. En même temps, il nous est difficile de nous prononcer sur les conséquences, délétères ou non, de nos actes impies. On peut toujours reconstruire le passé et attribuer l’échec d’un de nos enfants à un examen à la violence que nous lui avons fait subir un jour parce que nous sommes de faibles êtres humains, mais n’est-ce pas de la psychanalyse de pacotille ?
Le monde est mal fait.
Après réflexion et parce que l’ONG britannique a soulevé beaucoup d’émotions et de polémiques, je ne me rangerais pour rien au monde dans la catégorie des parents fesseurs. Oui, je le reconnais, il vaut mieux recourir à la persuasion et la fessée représente en elle-même un grave échec parental. Plus facile à dire qu’à faire, surtout dans les familles où la mère a plusieurs enfants, l’un plus agité que l’autre, ce qui est un bon signe de santé mais se traduit tout en même temps par un certain chaos domestique. Il est temps de poser la bonne question et donc de se demander si vraiment, en Europe, il n’y a pas de problème plus urgent à régler. Les enfants, ces très malheureuses victimes, sauront gré à l’ONG britannique d’avoir pris leur défense, mais, tout en respectant le principe de non-violence, je me permettrai de dire que la plupart des enfants peuvent vivre avec une fessée rare, dictée par la colère plutôt que par la cruauté, et que nos progénitures méritent indubitablement dans nombre de cas. J’ajouterai avec tristesse que le monde est décidément mal fait où tout l’amour que nous inspirent nos enfants ne nous empêche pas de nous conduire avec eux comme s’ils représentaient une grave nuisance.
RICHARD LISCIA
Dans cette affaire, il faut probablement distinguer deux situations. Il me semble que ça depend du contexte dans lequel la fessée est donnée. Personnellement, j’ai donné tres nettement moins de fessées que je n’en ai reçu et je ne pense pas que mes enfants en soient restés traumatisés. Mais il est probable, et le défenseur des enfants doit pouvoir nous le préciser, que certains enfants sont confrontés à une violence régulière, s’agissant de parents en pleine dérive psychologique, sous l’emprise de l’alcool ou de drogues diverses, ou qui, pour des raisons que l’ont peut peut-être identifier, sont capables d’agresser avec une extrême violence d’autres personnes, comme nous le rapportent régulièrement les médias, ou en font régulièrement l’apologie dans de nombreux films et séries télévisées. Le summum de la violence étant atteint avec le street fighting qui fascine tant de monde. Mais les médias ne véhiculent pas la violence, ça se saurait. Ils ont une déontologie et peuvent donner des leçons !
Nous transmettons à nos enfants nos névroses et il me semble bien qu’à une certaine époque la seule solution, pour éviter cette contagion, était la formation de parents professionnels. Dans ce contexte, le mot est bien plus toxique que la fessée qui a quelque chose d’érotique à l’instar de Jean-Jacques : le grand éducateur dans le livre de l’Émile. On lit beaucoup de vies où la parole a creusé dans l’enfance des failles bien plus larges et profondes que la simple fessée(je ne parle pas des coups).Il y en a marre enfin d’uniformiser nos comportements!