Hollande : Cuba, si !

L'arrivée à La Havane (Photo AFP)

L’arrivée à La Havane
(Photo AFP)

François Hollande achève aujourd’hui un grand voyage dans les Caraïbes, qui l’a d’abord conduit en Martinique et en Guadeloupe, où il a commémoré l’esclavage, puis à Cuba où il veut tirer avantage de la détente entre ce pays et les États-Unis, tout en assurant ses compatriotes qu’il parlerait des droits de l’homme avec les dirigeants cubains.

C’EST CE que disent tous les chefs d’État quand ils rendent visite à un pays totalitaire. Champion de la synthèse, M. Hollande est capable tout à la fois de défendre les libertés essentielles dans un pays qui ne les respecte plus depuis 55 ans, d’embrasser néanmoins Raul Castro, d’admettre que les Cubains n’ont cessé de se conduire comme des résistants à l’impérialisme américain, même s’il se garde d’utiliser ces mots, et d’être accompagné par assez de dirigeants d’entreprise pour négocier quelques contrats avec Cuba. On ne peut pas lui jeter la pierre. La France a toujours eu pour Cuba les yeux de Chimène, notamment parce que Fidel Castro a réussi pendant plus d’un demi-siècle à tenir tête aux États-Unis et parce que la révolution et Che Guevara sont porteurs d’un romantisme irrésistible aux yeux des Français.

Les merveilles de Cuba.

Et donc, en compagnie de M. Hollande, on a pu compter quelques personnalités françaises qui étaient conquises par Cuba avant d’y avoir mis le pied. Un merveilleux système de santé, si parfait qu’il s’exporte ; une éducation d’un tel niveau qu’un jeune Cubain a parlé à un ministre français de Fouché, qu’il considère comme le premier communiste membre d’un gouvernement français (!) ; un peuple chaleureux et amical, qui a su s’adapter à toutes les situations, victime d’un embargo cruel sans lequel le communisme aurait triomphé, y compris sur le plan économique.

On me permettra de ne pas partager cet enthousiasme alors que le seul à avoir fait un geste en direction de la détente, c’est Barack Obama, avec l’aide du pape et le concours de Raul Castro, il est vrai. M. Obama a reconnu que l’embargo était contre-productif, il lui faut maintenant trouver une majorité au Congrès, qui n’existe pas, pour obtenir l’abolition de l’embargo. En échange de quoi M. Obama, pas plus que M. Hollande, n’a obtenu aucun adoucissement des moeurs politiques cubaines. Fidel reste le maître incontesté d’une île figée dans le communisme alors qu’il a disparu en Russie ; Raul Castro n’a procédé qu’à des réformes mineures dont le résultat est d’avoir transformé en chauffeurs de taxi indépendants des universitaires dotés de diplômes impressionnants. Les touristes, y compris les Français, découvrent un pays au charme ancestral parce que ses maisons et ses voitures ont des siècles et qu’elles n’ont pas été réparées. Ce sont les Cubains qui paient par la pauvreté ces attraits dus non pas au respect des crus historiques mais à l’incapacité de Cuba de construire immeubles et habitations modernes.

Libertés d’abord.

Voilà à quoi est réduit le romantisme révolutionnaire : au plus absolu des immobilismes politique et économique. Pourtant, plaie d’argent ne serait pas mortelle si les Cubains bénéficiaient des libertés qui sont les nôtres : Raul a bien libéré quelques dizaines de prisonniers politiques à la demande de M. Obama, mais le régime reste secret, le pays sous surveillance, et la peur de la police politique règnera tant qu’il n’y aura aucune ouverture vers le pluripartisme. J’aimerais savoir au nom de quoi les Cubains sont soumis depuis si longtemps au joug de ce qu’il faut bien appeler une dictature et pourquoi notre premier devoir, au lieu de consister à vendre des produits français à Cuba, ne serait pas d’exiger la liberté de tous les Cubains et l’instauration d’une démocratie parlementaire à Cuba. Sûrement, je ne suis pas réaliste et M. Hollande, dont je respecte la politique étrangère, l’est bien plus que moi. Pour le moment, je ne suis pas emballé par une révolution dont l’échec me semble évident.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Hollande : Cuba, si !

  1. guet dit :

    Décidément, il est des gens qui sont incapables de s’évader des idées de la droite conservatrice, et ne peuvent regarder les événements qu’à travers le prisme de leur anticommunisme primaire.
    Cela leur ferait mal d’accepter de dire que Fidel Castro a sauvé son pays du joug impérialiste USA et des appétits colonialistes occidentaux. Sous la menace incessante du grand voisin, de ses perpétuelles attaques subversives, des brimades économiques des manoeuvres de sabotage de la CIA, Fidel a réussi à maintenir son pays indépendant et son peuple au fort patriotisme .
    Certes dans une obligation permanente de se protéger contre les propagandes subversives le régime à commis des atteintes aux droits de l’homme , notamment à l’égard e-des opposants et sans qu’il soit question de les oublier, on peut estimer qu’il y avait un aspect de légitime défense .
    Qui a fait le plus de mal à Cuba et doit être jugé responsable de sa situation actuelle : Fidel ou le monde capitaliste avec en tête les USA ?
    IL serait honnête que vous puissiez le reconnaître pour ne pas trahir l’histoire.

    Réponse
    Et en avant les grands mots. Trahir l’histoire, c’est exercer sur un peuple une dictature qui le prive des moyens matériels les plus élémentaires, qui le condamne à la pauvreté (ou à la prison). Trahir l’histoire, c’est oublier les condamnations sommaires prononcées contre des officiers et les purges au sein de l’armée. Trahir l’histoire, c’est pardonner ses crimes à Castro sous le prétexte qu’il a résisté contre les Etats-Unis, quel qu’en fût le prix pour les Cubains. Trahir l’histoire, c’est accepter un régime qui a duré, à ce jour, 56 ans, et ce n’est pas fini. Trahir l’histoire, c’est exalter, comme vous le faites, un homme qui n’a jamais eu qu’un objectif : rester au pouvoir.

    R.L.

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