Valls : gestion autoritaire

Un Valls qui passe en force (Photo S. Toubon)

Un Valls qui passe en force
(Photo S. Toubon)

Comme je le prévoyais hier, le gouvernement est passé en force au sujet de la réforme du collège. Manifestations et grèves d’enseignants étaient à peine terminées que le décret instituant la réforme était publié au Journal officiel. Ce passage en force a été accueilli par une multitude de réactions négatives dans les personnels syndical et politique.

LA MINISTRE de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, écartant d’une pichenette les critiques, a souligné ce matin que le gouvernement tient à la réforme et que, s’il veut l’appliquer en 2016, il ne doit pas perdre de temps. Cela revient à ignorer complètement les objections, souvent argumentées et logiques, qui ont été adressées au projet. Tout le monde aura remarqué que le président de la République, fidèle à sa méthode, qui consiste à se mêler de tout, a apporté son soutien à la réforme et à Mme Vallaud-Belkacem. Mais c’est le Premier ministre qui, le premier, a volé à son secours. Il est coutumier du fait, et les membres de son gouvernement peuvent se féliciter de sa sollicitude et de son souci de ne pas les laisser seuls face à la contestation, l’art le plus exercé en France. Ce qui est étrange, néanmoins, c’est que ni le président ni le chef du gouvernement ne soient sensibles aux analyses qui accablent la réforme du collège.

Un mouvement de fond.

En effet, il ne s’agit pas, cette fois, d’une révolte purement idéologique des frondeurs du parti socialiste. Il s’agit d’un mouvement de fond qui a réuni syndicats d’enseignants, centristes (avec François Bayrou à leur tête), certains socialistes et l’UMP, avec Bruno Le Maire comme chef de file de la droite, ce qui a déplu à Nicolas Sarkozy : il trouve que son ancien ministre de l’Agriculture, candidat à la primaire de l’UMP, et donc objectivement son adversaire dans ce scrutin, lui fait de l’ombre. Comme pour la loi Macron, adoptée au moyen du 49-3, Manuel Valls n’a pas craint de précipiter le mouvement, ce qui, dans un pays où débats et polémiques sont le sel de la vie, est considéré comme anti-démocratique.
Le Premier ministre, qui soigne son image, semble parfois brûler ses vaisseaux et courir le risque d’impopularité, ce qui n’est pas sans importance quand on connaît son ambition. À diverses reprises, on a reproché à François Hollande d’intervenir à tous les niveaux, y compris ceux qui ne sont pas de son ressort. On se souvient de sa piètre prestation quand il a décidé pendant un week-end de refuser le retour de la jeune Leonarda, contrainte avec sa famille de quitter la France et de repartir pour son pays d’origine.

Dérive autoritaire ?

Il en va de même pour M. Valls, qui, un peu comme Nicolas Sarkozy, donne plus d’interviews qu’à son tour, publie des tribunes dans les journaux et reprend tel ou tel intellectuel qui, sans s’adresser à lui personnellement, critique des décisions du pouvoir. C’est ainsi qu’il a relevé, pour mieux la combattre, la thèse que l’historien Emmanuel Todd a publiée au sujet du 11 janvier. M. Todd estimait dans son livre que les attaques terroristes de Paris avaient déclenché une réaction de la France « blanche » qui s’apparentait à une forme sévère d’intolérance pour l’islam.
Nous avons été nombreux à récuser cette thèse, ce qui était sans doute l’effet recherché par l’auteur, un habitué de la provocation, spécialisé dans les idées folles qu’habille son savoir d’historien, de démographe et de sociologue. Ce qui est curieux, c’est que M. Valls l’ait pris pour lui, alors que son gouvernement et lui-même n’ont cessé, en janvier dernier, de souligner la spontanéité et la sincérité du mouvement « Je suis Charlie ». Fallait-il pour M. Valls prît à partie l’un de ces intellectuels auxquels Najat Vallaud-Belkacem a attribué la qualification de « pseudo » ? Je ne crois pas un seul instant que le Premier ministre soit emporté par son tempérament. Son attitude est dictée au contraire par une réflexion sur le pouvoir et sur la meilleure manière d’imposer sa volonté au peuple. Il est bien trop tôt pour dire que nous assistons à la dérive autoritaire d’un camp qui s’est toujours targué de respecter tous les principes démocratiques sans exception. Mais le phénomène est intéressant.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Valls : gestion autoritaire

  1. Delteil christian dit :

    Personnellement, je ne me plaindrai pas des marques d’autorité dont nous abreuve le Premier ministre, de ses attitudes altières et provocatrices, de ses rodomontades à la tribune. Je pense que dans l’état actuel de notre pays il faut vraiment qu’un homme de volonté et à poigne se trouve au pouvoir et l’exerce avec efficacité. Le seul problème pour moi est que cet homme, M. Valls, ne soit pas du bord que je souhaiterais. Sa personnalité me convient, pas son camp politique.

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