Espagne : la tentation grecque

Manuela Carmena, maire de Madrid (Photo AFP)

Manuela Carmena, maire de Madrid
(Photo AFP)

La victoire, à Madrid et Barcelone, de la gauche radicale lors des élections municipales laisse présager son triomphe aux élections législatives qui auront lieu avant la fin de l’année. Le succès de Podemos et de Ciudadanos se produit au détriment des socialistes, sans les éliminer pour autant, ce qui indique que les radicaux devront s’allier plus tard avec le PSOE.

L’EUROPE subit des flux et des reflux bien compréhensibles. Confrontée à une crise économique particulièrement profonde et grave, elle a dû prendre des mesures d’austérité drastiques. Soumise à des économies qui ont fini par détruire son tissu social, elle cherche désespérément un peu d’oxygène en faisant le contraire, c’est-à-dire en réduisant les inégalités criantes qui résultent de la réduction des dépenses sociales. L’exemple de ce parcours a déjà été donné par la Grèce, qui, épuisée par la baisse des salaires et des retraites, a mis au pouvoir un parti d’extrême gauche, Syriza, censé mettre un terme à une politique qui a ravagé le pays. Ce que l’on ne dit pas assez, c’est que, aussi bien en Grèce qu’en Espagne, les réformes ont produit leur effet, que les déficits budgétaires diminuent, que les perspectives de croissance s’améliorent et que le chômage, parvenu à des sommets inacceptables aussi bien en Grèce qu’en Espagne, commence à refluer. Casser cette dynamique au moment où elle débouche enfin sur de meilleures perspectives serait tout à fait regrettable.

Diminuer le supplice.

Cependant, il suffit de ne pas être un technocrate enfermé dans son cynisme pour admettre que certains remèdes tuent le malade et que, là où les sacrifices exigés par l’Europe et les organismes internationaux deviennent insupportables, il faut sûrement atténuer le supplice. L’arrivée de l’extrême gauche au pouvoir en Grèce n’a pas donné lieu à une révolution économique et politique. Les nouveaux dirigeants du pays se sont trouvés aussitôt écartelés entre leurs promesses électorales et la dure réalité du terrain fiscal et financier. Leur enthousiasme a laissé la place à l’indécision, leurs certitudes idéologiques  ont cédé le pas aux difficultés pratiques. Ils n’ont pas résolu le dilemme qui se pose à eux, mais se poserait à tout gouvernement grec : comment rester dans la zone euro sans rembourser leur dette aux échéances prévues.  C’est une quadrature du cercle qui, par définition, ne peut pas être résolue. À ce jour, le gouvernement de M. Tsipras n’a pas envisagé de se lancer dans une aventure de type argentin, c’est-à-dire de refuser de payer, quitte à ne plus trouver personne, ensuite, pour lui prêter de l’argent ; de sortir de l’euro et de renoncer aux avantages qu’il procure ; d’obtenir un nouvel étalement de la dette qui assouplirait le carcan, mais accentuerait encore le poids de la dette et augmenterait les déficits.

L’Espagne ne peut pas quitter l’euro.

Le pouvoir politique qui naîtra des élections législatives espagnoles sera confronté à un problème identique, alors même que l’Espagne commence à émerger d’une thérapie sévère qui améliore ses chances dans la compétition économique. Il n’est pas impossible que la Grèce finisse par quitter la zone euro, uniquement parce que ses dirigeants ont sombré dans l’immobilisme, incapables qu’ils sont de choisir entre deux maux. Pour l’Espagne, ce n’est pas pensable. Il est vrai que la perte de l’Espagne menacerait la zone euro beaucoup plus qu’un défaut de la Grèce. Mais il est vrai aussi que, privés du soutien de l’Union européenne, les Espagnols retomberaient vite dans le marasme qui  bouleverse leurs vies depuis quatre ans.
La leçon, quoi qu’il arrive en Espagne cette année, c’est que la finance et l’économie ont leurs lois propres qui n’ont rien à voir avec la nature du pouvoir en place. Il ne suffit pas de voter à l’extrême gauche (ou à l’extrême droite) pour en finir avec la souffrance sociale. Le cas de la Grèce a administré la preuve que les plans sur la comète tirés par l’extrême gauche (en France notamment) sont impraticables, à tel point que les dirigeants de Syriza, en équilibre instable sur un fil, se contentent pour le moment de ne rien décider, ce qui ne durera pas longtemps. C’est une leçon pour l’Espagne et les mouvements d’indignation spontanée qui s’empareraient du pouvoir à Madrid devraient bien, à leur tour, faire leurs comptes, peser le pour et le contre, et renoncer à une partie au moins de leurs promesses.
RICHARD LISCIA

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