Le scandale du foot

Blatter : de quoi s'inquiéter (Photo AFP)

Blatter : de quoi s’inquiéter
(Photo AFP)

Le scandale mondial déclenché par l’interpellation de 14 personnes liées à la Fifa (Fédération internationale de football), à la demande de la justice américaine, n’a étonné personne. Il y a des années, pour ne pas dire des décennies, que les rumeurs courent sur la corruption des dirigeants de la fédération et les attributions à un certain nombre de pays de l’organisation du Mondial n’étaient visiblement pas libres de toute influence, à commencer par celle de l’argent.

CE QUI EST nouveau, en revanche, c’est le coup de pied que les États-Unis viennent de donner dans la fourmilière, alors que le « soccer » n’est pas le sport numéro de ce pays et que les faits reprochés aux instances dirigeantes de la Fifa n’ont pas été commis sur le territoire américain. Tous les commentaires sont d’une sévérité extrême à l’égard de la Fifa mais certains éditorialistes s’inquiètent du rôle que l’Amérique s’est arrogé. On dira en l’occurrence qu’elle a pris une initiative que l’Union européenne, bardée de lois et de juges, aurait pu devancer. En outre, les États-Unis souhaitaient qu’un Mondial eût lieu chez eux et, s’ils ont échoué dans leur démarche parce qu’ils n’ont pas voulu donner leur pactole aux membres corrompus de la Fifa, il est logique qu’ils recourent à leur propre système judiciaire. Les précédents de leur démarche actuelle sont nombreux. Bien entendu, Vladimir Poutine s’est empressé de dénoncer ce qu’il perçoit comme une ingérence américaine destinée à dominer le football en Europe. Le président russe est à la hauteur de ses ambitions affichées : quand il n’impose pas sa volonté à la Géorgie ou à l’Ukraine, il se place sans réserves dans le camp des fraudeurs, dont il peut se présenter comme le chef de file incontesté.

47 chefs d’inculpation.

Les accusations portées par un procureur de Brooklyn, Kelly Currie, sont ahurissantes : 47 chefs d’inculpation liés à 25 ans de corruption, pour un montant de quelque 150 millions de dollars en pots-de-vin pour l’attribution de droits télévisuels et commerciaux. Le pire, peut-être, c’est l’arrogance des personnages visés par l’enquête américaine, leurs délits répétitifs commis à la barbe du monde entier, leur conviction qu’ils ne couraient aucun risque et qu’ils étaient invulnérables, leur mépris pour le public et le sport lui-même, qu’ils ont transformé en un énorme trafic. J’ai souvent exprimé des réserves au sujet d’un sport générateur de fanatisme, de racisme et des pires violences. Voilà qu’il n’est plus qu’un pot de miel où des délinquants en col blanc, parés de l’aura du football, n’ont cessé de tremper leurs doigts.

Fiasco moral et judiciaire.

Bien entendu, il faut réserver ses plus dures critiques au président de la Fifa, Sepp Blatter, qui, pour le moment, n’est pas inquiété, mais ne tardera pas à l’être : il prétend organiser demain sa réélection à un cinquième mandat au milieu d’un chaos dont il a nécessairement sa part de responsabilité. Quarante ans qu’il tire de la Fifa ses revenus, 17 ans qu’il en est président, avec tous les avantages liés à la fonction et, à 79 ans, loin de prendre sa retraite ou d’esquisser le bilan dévastateur de sa gestion, il a le front de demander sa réélection. On lui conseille de démissionner dès aujourd’hui, mais on peut craindre qu’il s’accroche à son titre pour mieux se protéger contre les assauts prochains de la justice.
Un tel fiasco moral et judiciaire au bout de tant d’années d’honneurs factices et de malversations occultes mérite bien une rétribution. Il est temps de réhabiliter le football, car les aficionados ne verront plus un match de la même façon.

RICHARD LISCIA

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