Quatorze milliards à trouver

Macron face à des pertes vertigineuses (Photo AFP)

Macron face à des pertes vertigineuses
(Photo AFP)

Pour Areva, littéralement en faillite, le gouvernement s’efforce de trouver la solution d’un problème dont il n’est pas responsable puisque le déclin de cette société, naguère puissante, a commencé il y a plusieurs années sans que l’État ne mît le holà à diverses opérations malencontreuses. Mais la facture du redressement de notre industrie nucléaire est salée.

L’ACHAT d’un mine d’uranium à trois fois son prix et l’incapacité de terminer les chantiers EPR (nouvelle filière nucléaire) expliquent les pertes colossales d’Areva qui s’élèvent à 7 milliards depuis 2011 et dont la recapitalisation nécessite également 7 milliards. Il y a quelques explications à cette déroute financière : Areva a essuyé les plâtres du lancement d’un réacteur nucléaire nouvelle génération, plus sûr et plus performant. La construction d’une centrale en Finlande a commencé il y a des années et n’est pas terminée, si bien que le chantier aura coûté 9 milliards au lieu de trois. En France, l’EPR de Flamanville, commencé en 2007, a déjà 5 ans de retard et a coûté 8,5 milliards à ce jour. Un défaut est apparu sur le couvercle, une pièce de 11 mètres de hauteur et de 425 tonnes. Deux réacteurs ont été vendus à la Chine, mais la France pourra-t-elle tenir sa promesse de les construire ?

L’EPR est-il viable ?

Le gouvernement, actionnaire largement majoritaire chez Areva et chez EDF, fait en sorte qu’EDF entre au capital d’Areva pour 2 milliards et s’occupe exclusivement de la filière nucléaire. Mais la question de fond n’est pas réglée : l’EPR est-il viable ? Faut-il abandonner le chantier de Flamanville ? Faut-il choisir le REP, une autre filière propriété d’EDF ? L’autre question porte sur le financement de ce désastre capitaliste. EDF ne paiera pas les deux milliards sans obtenir en même temps une hausse des prix de l’électricité, qu’il réclame déjà depuis longtemps. Les sommes en jeu sont vertigineuses et c’est pourquoi l’État est contraint de trouver de nouveaux partenaires financiers. Mais, au final, la dette d’Areva et sa recapitalisation ne pourront être financées que par une hausse des prix payée par les consommateurs ou par une nouvelle ponction dans la poche du contribuable.

Un coût pour le contribuable.

Ce qui pose le problème de la responsabilité de l’État (c’est-à-dire, en l’occurrence, celle des gouvernements qui ont précédé M. Hollande au pouvoir) dans ses aventures industrielles et des patrons successifs d’Areva dans une déconfiture financière sans précédent. Dieu sait que la rémunération des patrons continue à soulever d’interminables polémiques en France, où l’on déteste que des privilégiés gagnent des millions dont le commun des mortels ne peut même pas rêver. Il me semble pourtant que leur salaire n’est vraiment inacceptable que lorsque leurs résultats sont mauvais. Surtout quand ils dirigent des entreprises où l’État est l’actionnaire majoritaire, ce qui veut dire que les gains vont à la collectivité, mais, hélas, que les pertes doivent être payées par nous tous. Je veux bien que la gestion d’une entreprise nucléaire n’est pas de tout repos, mais je devine que, si Areva a pris en charge seule la construction des deux centrales EPR, sans s’associer préalablement à un autre titan industriel (ne fût-ce que pour répartir les risques et améliorer son expertise), c’est, quelque part, à cause de l’ego de ses patrons. Et je constate que fusionner EDF et Areva, ce que Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, a décidé, est exactement ce qu’il fallait faire, non pas après la catastrophe financière, mais avant.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Quatorze milliards à trouver

  1. lionel dit :

    Vous soulevez la responsabilité de l’État dans cette déconfiture financière. Qu’en est-il d’Anne Lauvergeon : ni responsable ni coupable ? Au final qui va payer ses erreurs stratégiques : la collectivité.

    Réponse
    Tout à fait d’accord avec vous. Anne Lauvergeon est la première responsable de ce désastre. Mais la négligence de l’État, actionnaire majoritaire d’Areva, doit aussi être prise en compte

  2. Flandin dit :

    Je suis surpris une fois de plus que l’on puise continuer à dire que l’opération Flamanville va coûter 8.5 milliards d’euros. Cette estimation a été faite :
    – Sur la base des plus-values estimées par Bouygues et autres intervenants, et quelles ne sont en aucun cas validées.
    – Sans prendre en compte les travaux d’expertise faits et à faire pour éventuellement certifier la cuve.
    -Sans prendre en compte les travaux supplémentaires qui font l’objet de commandes au jour le jour sous la contrainte de l’avancement des travaux
    – Sans tenir compte de la perte d’exploitation jusqu’au jour présumé de mise en pleine puissance au réseau EDF.(soit au mieux si tout va bien au niveau des certifications et des essais mi 2018 soit encore trois ans )
    En gros à ce jour le chiffre le plus probable est de l’ordre de 12 milliards si la mise en exploitation est réalisée sous ce délai.
    Que dire des coûts si l’on s’oriente vers une fermeture de l EPR sans mise en exploitation ?

    Le silence règne toujours sur le nucléaire.

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