Grèce : la victoire de l’euro

Pari gagné (Photo AFP)

Pari gagné
(Photo AFP)

Les élections anticipées en Grèce n’offraient aucun suspense : personne n’avait le moindre doute quant à la politique économique qui serait conduite par les gagnants : droite ou gauche, ils auraient mis en oeuvre l’accord conclu avec la zone euro. Alexis Tsipras l’a emporté largement, avec près de 36 % des voix contre 28,05 seulement à ses opposants de droite, Nouvelle Démocratie, ce qui indique seulement qu’à défaut d’avoir de la suite dans les idées, il s’y entend pour rester au pouvoir.

LES GRECS, dit-on, en veulent au Premier ministre qu’ils ont reconduit dans leurs fonctions parce qu’il n’a pas tenu parole. Cela peut expliquer une forte abstention, de quelque 44 %, cela n’explique pas qu’ils aient préféré Syriza aux autres partis. Ce qui est remarquable, c’est leur attachement à l’Europe et à l’euro, c’est leur apparente conviction qu’il n’y avait pas d’issue sérieuse dans un retour à la monnaie nationale, c’est leur arrière-pensée : ils auraient souhaité obtenir le plan d’aide de quelque 80 milliards sans avoir à lancer le plan d’austérité qu’il reste à appliquer. Mais ni la Grèce ni aucun autre pays ne peuvent croire qu’ils ne sont pas comptables de leurs erreurs passées. L’austérité est dangereuse dans la mesure où elle risque de pousser un peuple à bout et les organismes chargés de contrôler la réduction des dépenses (et l’accroissement des recettes) seraient bien inspirés de ne pas exiger de la Grèce des efforts excessifs qui la suffoqueraient. Dans le même temps où l’Europe a enchaîné la Grèce dans un carcan de règles irréfragables, le monde a admis que l’austérité pure est contre-productive.

L’important, c’est de ne plus emprunter.

De ce point de vue, l’affaire grecque n’est pas réglée dès lors que son endettement s’accroît au point que personne, parmi ses créanciers, ne croit vraiment qu’elle pourra rembourser tout ce qu’elle doit. Tout au plus peut-on espérer que M. Tsipras, grâce à la confiance qu’il vient d’obtenir, saura rapidement mettre son pays sur le rail qui conduit à l’équilibre des comptes. Au fond, le plus important n’est pas de rembourser, c’est de ne plus emprunter. Il n’est pas interdit de penser que la thérapie infligée à la Grèce produira des accès de fièvre et même des désordres et qu’il sera difficile de la maintenir durablement dans un exercice douloureux. Mais il faut bien mesurer ce qui s’est passé : un peuple ulcéré par les sacrifices qui sont exigés de lui vote quand même pour la zone euro. Il maintient au pouvoir un homme qui a adopté la politique qu’il avait dénoncée en janvier dernier avec une telle virulence qu’il a été élu sur le principe d’une rupture, celle-là même qu’il n’a pas voulu consommer. Peut-être un certain nombre d’électeurs grecs ont-ils cru que M. Tsipras, qui sait prendre des virages en épingle à cheveux, va changer une fois de plus de position et tenter de revenir au bon vieux laxisme qui a permis aux Grecs de vivre à crédit pendant tant d’années. Mais le moindre manquement à ses engagements priverait aussitôt la Grèce de tout financement européen.

Traitements magiques.

L’effet des élections en Grèce est donc principalement européen. Il administre la preuve que l’abandon de l’euro n’est pas une issue crédible ; il indique aux autres pays européens qu’il y a plus de vérité dans la monnaie unique et dans la rigueur financière que dans les plans insensés que proposent l’extrême droite et l’extrême gauche en France. La victoire du nouveau Syriza, c’est la défaite de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen tout à la fois. Tous ceux qui prônent la dislocation de l’Europe et le repli national comme traitements magiques sont disqualifiés. Il est bon de le rappeler à quelques semaines des élections régionales, de montrer à l’électorat français que même un Tsipras n’a pas voulu prendre les risques qu’il préconisait il y a encore quelques mois, que même les Grecs, si dispendieux, ne croient pas qu’il y ait un avenir radieux dans le retour à la drachme, que l’illusion, l’outrance et le délire sont possibles dans l’opposition, jamais au gouvernement.

RICHARD LISCIA

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