Air France : la démesure

DRH en détresse (Photo AFP)

DRH en détresse
(Photo AFP)

Ce qui s’est passé hier lors de la réunion de la direction et des syndicats d’Air France est tout à fait scandaleux : des syndicalistes s’en sont pris à deux directeurs des ressources humaines, voulaient les mettre « à poil », ont arraché leur chemise. Une violence qu’un conflit social ne saurait autoriser.

IL FAUDRA bien, pourtant, que la direction et les salariés de la compagnie finissent par s’entendre. Ceux que la colère a rendu fous (et qui seront sans doute poursuivis) ont quelque raison de s’insurger : en quinze ans, les effectifs d’Air France sont passés de 65 000 à 52 000. Chaque fois que la direction a voulu faire des économies, elle a diminué sa masse salariale en licenciant ou en ne remplaçant pas ceux qui partaient. Il était apparemment plus facile de tailler dans les rangs des stewards et des hôtesses de l’air que dans ceux des pilotes. Lesquels, depuis longtemps, co-gèrent littéralement la société avec la direction, s’estiment à peu près intouchables, ont rejeté le plan A, celui qui, pour éviter tout licenciement, demandait aux pilotes non pas de gagner moins, mais de travailler deux heures de plus par semaine, ce qui se serait ajouté aux 650 heures auxquelles ils sont astreints. On a vu de pires conditions sociales, même s’il est indispensable de tenir compte de la sécurité des vols en n’accablant pas les pilotes de travail.

Des princes parmi les employés.

Mais les syndicalistes insurgés ne s’en sont pas pris aux pilotes. Commentant cet événement sans précédent, une représentante syndicale s’est d’ailleurs bien gardée de leur jeter la pierre et a insisté sur la nécessité de maintenir intacte l’unité des mouvements syndicaux. Langue de bois insupportable : les pilotes sont des princes parmi les employés et bénéficient de salaires et d’avantages incomparables avec ceux des autres personnels. Or personne ne peut nier qu’Air France est en grand danger, que la concurrence, à la fois dans le low cost et dans le luxe est très vive, que la société peut disparaître ou être avalée par une compagnie aérienne plus puissante, que sa valeur en bourse est si faible (deux milliards d’euros) qu’il est devenu très facile d’en prendre le contrôle. Si la direction envisage d’appliquer le plan B, c’est uniquement parce qu’elle s’est heurtée à un refus catégorique des pilotes.

Emploi peau de chagrin.

François Hollande et Manuel Valls ont dénoncé l’action irresponsable de ces syndicalistes surexcités que n’ont pas vraiment critiqués leurs camarades. Même si l’emploi à Air France s’est transformé en peau de chagrin, comme c’est le cas de toute société confrontée à la mondialisation, les pilotes ne peuvent pas ignorer l’économie au point de vouloir conserver leurs avantages acquis quelles qu’en soient les conséquences. Tout le monde, gouvernement, partis politiques, opinion réclament la reprise des négociations. Les Français seraient consternés si, à terme, ils perdaient leur compagnie aérienne nationale au profit d’un transporteur étranger qui, lui, ne ferait sans doute pas de cadeaux aux salariés et surtout pas aux pilotes français qui travaillent moins que leurs collègues européens. L’injustice du plan B vient de ce que l’échec du plan A se traduit par des licenciements chez ceux qui ont déjà consenti à faire de lourds sacrifices. Mais il serait temps que les hôtesses et les stewards prennent langue avec les pilotes et leur demandent des comptes. L’harmonie syndicale ne peut pas être défendue au prix d’une catastrophe. La pression ne doit pas venir seulement de la direction, mais des autres salariés.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Air France : la démesure

  1. Schmittlin fabrice dit :

    Il faut absolument que cette compagnie pose son bilan comptable et financier afin de repartir sur de nouvelles bases. Que tout le monde soit licencié et que les meilleurs soient réembauchés. Cette entreprise est gangrenée du sommet jusqu’à la base. Il faut que le management ait le courage, comme swissair à son époque de tout lâcher. Et je sais de quoi je parle : j’ai été chef d’escale de Swissair/Crossair à Bâle-Mulhouse

  2. Lilith dit :

    Je suis à l’étranger. Peut-être suis-je mal informée.
    Que disent aujourd’hui (je pense à Continental et à la curieuse amnistie votée par le Sénat en 2013 ) le PC, le Front de gauche, la CGT et la ministre Taubira, de cette affaire ?

    Réponse
    Le PC et la CGT pensent que la vraie violence est la suppression d’emplois.

  3. Jipé dit :

    Vous parlez de princes, M.Liscia, mais pour moi les princes sont ceux qui ont eu le privilège d’être nés une cuillère d’argent dans la bouche !
    Les pilotes, eux ne sont pas nés pilotes ni princes ; ils avaient pour beaucoup au départ l’envie de voler, d’en faire un métier ! Et en approfondissant vos sources, il serait bien de donner quelques informations sur le parcours des pilotes.
    On ne naît pas pilote ! Pour y parvenir, c’est une base saine, beaucoup de travail, de sélection, puis un recrutement sur des milliers de prétendants, des années de formation.
    Une fois recruté, il n’est pas prince, non, non ; il gagne bien sa vie, mais il doit gérer les déplacements avec les décalages horaires pas faciles physiquement et l’énorme responsabilité de centaines de passagers. Et puis les suivis plusieurs fois par an, de niveau technique, physique, psychologique, que Air France soumet et que les pilotes approuvent ayant bien conscience de leurs responsabilités. Bref de l’argent, gagné honorablement !
    Alors M.Liscia, venez parler aux princes, plutôt que d’écouter les médias qui préfèrent à 95 % parler de 2 ou 3 chemises arrachées, à la place des problèmes de fonds. A votre disposition pour vous mettre en contact avec les navigants.

    Réponse
    Votre courriel serait plus crédible si vous n’étiez manifestement directement concerné et occupé à prendre la défense corporatiste des pilotes d’avion. Les pilotes ne sont pas les seuls à gagner honorablement leurs salaires. La question ne porte pas sur le niveau de salaire mais sur le temps de travail et sur la capacité d’Air France à les payer. Le plan B n’est que le résultat de l’échec du plan A, lequel demandait aux pilotes un surcroît de travail pour éviter tout licenciement. Qu’ils le veuillent ou non, les personnels d’Air France sont donc victimes de l’intransigeance des pilotes qui n’est pas nouvelle et a donné lieu à plusieurs conflits dans l’histoire de la compagnie. Il faut être aveugle pour ne pas voir que l’attitude des pilotes met en danger la vie même de la société où ils travaillent. C’est donc non seulement de l’intransigeance mais un comportement suicidaire. Quant à la dérision par laquelle vous traitez l’agression dont ont été victimes les deux DRH et qui relève du pénal, je la juge révoltante. C’est très facile d’envoyer un message anonyme à quelqu’un qui signe ses propos de son nom. Ne comptez pas sur moi pour me rendre à vos arguments spécieux.
    R.L.

  4. Lilith dit :

    Je suis très amusée par votre vive réaction, cher Jipé.
    Vous parlez de vocation, sélection, risque….à des médecins !
    Vous êtes sérieux, là?
    Vous savez où vous inscrivez votre illégitime colère?
    Dans les colonnes d’une corporation qui n’a pas de repos compensatoire toutes les combien d’heures au juste?
    Veuillez me pardonner mais votre arrogance et vos grèves – comme celles de vos confrères chauffeurs de trains et de bus – commencent à me saoûler.

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