La Turquie dans le chaos

Erdogan le 4 octobre à Strasbourg (Photo AFP)

Erdogan le 4 octobre à Strasbourg
(Photo AFP)

À Ankara, deux attentats à la bombe ont fait 96 morts et des centaines de blessés samedi 10 octobre. Les assassins visaient une manifestation pro-kurde organisée par des partis de gauche. Personne n’a revendiqué ce crime de masse. Le gouvernement turc dénonce l’État islamique.

ON A DU MAL à croire que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ait pu donner des ordres pour que le gouvernement s’engage aussi ouvertement dans une stratégie de la terreur. Mais, même s’il n’est pas responsable directement de la tragédie, l’opposition turque l’en crédite, de sorte que la tension est parvenue à un paroxysme. Des élections générales, en juin dernier, ont privé M. Erdogan de la majorité absolue qui lui aurait permis de changer la Constitution à son avantage. Le président turc, qui a muselé la presse et livré aux Kurdes une bataille impitoyable après avoir feint de négocier avec eux, songe principalement à mettre les apparences de la démocratie au service de son pouvoir personnel. Il en a conçu une obsession de la grandeur passée de l’empire ottoman, après avoir mis fin au kémalisme en décapitant l’armée. Dépenses somptuaires (il s’est construit un palais immense au prix incalculable), suppression des libertés, retour à la religion, le régime turc n’est plus qu’une parodie de démocratie parlementaire.

L’assaut contre les Kurdes.

Tout comme Poutine qui bombarde les rebelles syriens plutôt que Daech, Erdogan bombarde les Kurdes en Syrie. Ce pays est devenu un lieu de cibles diverses dont l’élimination est censée favoriser les projets de chaque État, Russie, Turquie, Iran. Mais dans le cas de la Turquie, l’évolution de son régime est d’autant plus préoccupante qu’elle est membre de l’OTAN et que, à ce titre, elle est censée combattre l’État islamique. M. Erdogan est l’ennemi juré de Bachar Al-Assad et il s’est insurgé contre la violation de son espace aérien par l’aviation militaire russe. Mais il semble craindre davantage les Kurdes que Daech, de sorte qu’il les bombarde avec assiduité. En réalité, il n’a pas du tout l’intention de négocier un accord de paix avec les Kurdes. Pour une part, il préfère, en bon autocrate, leur administrer une raclée ; pour une autre part, il a peur de la création progressive d’une force autonome kurde à cheval sur l’Est de la Turquie et le Nord de la Syrie.

L’ami de personne.

Bien qu’il ait prévu de nouvelles élections générales le 1er novembre, M. Erdogan a déjà échoué. Il ne peut se maintenir au pouvoir qu’en poursuivant sa politique autoritaire et violente à l’égard d’un mouvement nationaliste kurde qui, à maintes reprises, a montré ses capacités militaires et sa résilience politique. Ses propres options compliquent la politique de son pays dans un environnement particulièrement malsain, avec une crise interminable en Syrie, un Iran chiite qui concurrence la Turquie sunnite et une Russie dont le comportement bafoue les intérêts turcs. En outre, le président turc a réussi, par ses méthodes autoritaires, à se faire beaucoup d’ennemis, pas seulement à l’étranger, mais en Turquie même, où il veut régner sans partage. Il est maintenant brouillé avec Israël, avec la Russie, avec l’Iran, et il n’a pas des relations chaleureuses avec les États-Unis, même si, par nécessité, il a permis à l’OTAN d’utiliser des bases turques dans le conflit avec Daech. Il espérait ouvrir une grande négociation pour l’adhésion de la Turquie avec l’Europe, mais son régime, de moins en moins démocratique, déplaît aux Européens qui, incapables de calmer sa volonté de puissance, ont renvoyé sine die les pourparlers euro-turcs.
RICHARD LISCIA

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Une réponse à La Turquie dans le chaos

  1. Léa Robert dit :

    Quelles sont vos sources pour affirmer que Erdogan est en conflit avec Israël ? les journalistes turcs affirment totalement l’inverse, il porte une pseudo veste anti-Israël qui se retourne totalement en réalité politico-commerciale …

    PS
    Mes sources ? Vous avez oublié l’affaire du bateau turc qui devait forcer le blocus de Gaza ? Depuis cette crise, les relations entre les deux pays n’ont pas été normalisées, sans compter l’antisémitisme turc savamment entretenu par Ankara.

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