Taubira dans ses oeuvres

As de la rhétorique (Photo S. Toubon)

As de la rhétorique
(Photo S. Toubon)

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, défend ses réformes, comme chacun sait, avec une rhétorique implacable, un talent oratoire supérieur à celui de la plupart des parlementaires, une autorité qui confine souvent à l’autoritarisme. Mais a-t-elle fait du bon travail ?

LA GARDE DES SCEAUX est entrée en conflit avec à peu près tout le monde, avec la droite et l’extrême droite, notamment à propos du mariage gay qui lui a valu d’ignobles sarcasmes racistes ou sexistes. Mais aussi avec les magistrats, puis avec les policiers, indignés par ce qu’ils considèrent comme une politique laxiste, puis avec les avocats auxquels elle a tenté de soutirer une partie de leurs émoluments pour boucler son budget. Elle vient d’y renoncer, premier recul d’une femme dominatrice et sûre d’elle, peu disposée aux concessions. Voilà maintenant que les gardiens de prison se révoltent contre elle. Cela fait beaucoup de crises pour un gouvernement déjà contraint de subir la contestation permanente de l’opinion et des corps constitués.

La stratégie du bulldozer.

Mme Taubira, dont l’intelligence est vive, semble très à l’aise dans son numéro quotidien d’affrontement avec ses adversaires. Certaine d’avoir le dernier mot en toute circonstance, elle se consacre à la stratégie du bulldozer qui écrase tout sur son passage. Elle le fait en partie par conviction ou par idéologie mais aussi parce que la meilleure défense est dans l’attaque. Il reste à savoir si cette attitude, qu’elle cultive avec persistance et minutie, convient à un gouvernement qui voit s’approcher les échéances électorales avec un déficit croissant de popularité qu’il essaie désespérément de combler. Aujourd’hui, si Mme Taubira occupe toujours ses fonctions place Vendôme, c’est parce que François Hollande qui, de lui-même ou par Jean-François Cambadélis interposé, est allé chercher la paix avec ses pires détracteurs au sein de la gauche, sait sans doute que la ministre, si elle était écartée du pouvoir serait plus dangereuse pour lui que si elle y reste.

L’alibi du président.

De son côté, si la Garde des sceaux s’affirme au sein du gouvernement comme un sniper décidé à abattre tous ceux qui s’aventurent à la mettre en cause, elle a compris qu’elle tirait sa force d’une position rare, pour ne pas dire unique et s’efforce de ne pas aller trop loin dans son particularisme de gauche. Elle ne peut pas, à elle seule, donner au gouvernement de Manuel Valls la couleur qu’il refuse d’avoir, ce qui a valu au Premier ministre d’homériques batailles avec les frondeurs du PS, avec le PC et avec le parti de gauche. Voilà pourquoi Mme Taubira ne dit mot sur la politique économique d’un président de la République qu’elle ne manquerait pas d’accabler de quolibets si elle était ailleurs que dans son ministère. En un mot, elle sert d’alibi de gauche au régime, tout en prenant soin de ne se battre que dans l’aire où elle est compétente.
N’aspire-t-elle pas à un rôle plus vaste ? N’est-elle pas tentée de reprendre sa liberté et d’en faire l’usage dont on la juge capable, c’est-à-dire un usage illimité ? Les frondeurs, qui, pratiquement n’existent plus depuis qu’ils n’ont été que 19 à l’Assemblée à ne pas voter un budget énigmatique, trouveraient en elle un chef charismatique capable de provoquer au sein du PS une fracture durable. Ce qui achèverait les derniers espoirs du président de la République. Il en va ainsi de la politique: ceux qui l’animent, même si l’ambition ne les dévore pas, jouent pour eux-mêmes : Mme Taubira ne laissera pas une trace indélébile de son passage au ministère de la Justice, en dehors du mariage pour tous qu’une autre majorité pourrait d’ailleurs abolir. Mais elle dispose d’une force de frappe personnelle qui fait d’elle un danger pour l’équilibre, déjà bien compromis, de la gauche.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Taubira dans ses oeuvres

  1. Lilith dit :

    « ….un rôle plus vaste »?
    Elle et Touraine brillent tout de même par leur remarquable impopularité.
    L’assurance et l’idéologie crispée de ces femmes sont effarantes.
    Elles aiment le pouvoir, je suis pressée de les oublier.

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